Récemment reconnue en France pour les très remarquables et remarqués Fun home et C’est toi ma maman ?

 

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(parus tous deux chez Denoël Graphic), Alison Bechdel est cependant loin d’être une débutante aux Etats-Unis, son pays d’origine, où sa notoriété s’était bâtie tout au long des années 90 sur la série Dykes to watch out for, enfin traduite par les éditions Même pas mal. Bande dessinée communautaire, voire d’un communautarisme assumé, les « Gouines à suivre » mettent en scène le quotidien d’un petit groupe de lesbiennes dans ses composantes plus ou moins typées : il y a Mo, le boulet, cœur tendre sous des allures intransigeantes et hyper-rationnelles, Loïs, la papillonne, cynique et généreuse, bien décidée à jouir sans entraves, Clarice et Toni le « vieux » couple, qui finit par opter pour la PMA, Ginger, la prof qui n’en finit plus de bûcher sa thèse… et bien d’autres, dont les avatars et les dialogues incessants finissent par former au fil des pages la chronique attachante d’une Amérique minoritaire et fin de siècle. On passe de Reagan à Bush père et de Bush père à Bill Clinton presque sans s’en apercevoir dans ce petit théâtre permanent où la prise de tête fait figure d’art majeur : sur un fond d’actualité toujours présent, Alison Bechdel moque avec tendresse et beaucoup de finesse un petit milieu dont les préoccupations – entre saucisses tofu-gingembre et gender studies aux titres improbables – semblent parfois en léger décalage avec les grands enjeux de ce monde et où – tant pis pour les voyeurs – il n’est pas tant question de sexe, au fond, que de vivre la vie qu’on s’est choisie dans une Amérique encore très largement réactionnaire et conservatrice. Si l’on rit peut-être moins que chez un Ralf König, satiriste plus mordant, on se surprend cependant à regretter d’avoir fini ce recueil pourtant copieux et de devoir au moins provisoirement se séparer d’une bande de copines dont on rêverait de faire partie. Moi, quand je serai grand, je serai goudou.

Yann Fastier