Peinture implacable du monde du travail par temps capitalistique sauvage,

 

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thriller labyrinthique, fin imprévisible, Sans retour, servi pas une traduction toujours impeccable d’Antoine Chainas, n’a pas peur du mélange des genres. Ça tombe bien, moi non plus.

Ça commence comme un roman noir dans la plus pure tradition. Jimmy Thane, la quarantaine essoufflée, ex businessman flamboyant, ex addict à tout ce qui lui permettait de se déglinguer (alcool, dope, sexe, jeu) se voit proposer par un vieil ami l’occasion de se refaire une vie. Chargé de redresser une entreprise en difficulté, il débarque en Floride avec sa femme et se met au boulot. Les ennuis s’accumulent : l’entreprise vend un logiciel de reconnaissance faciale pas tout à fait au point, les employés s’occupent tant bien que mal, et surtout mal, la boîte n’a que sept semaines de trésorerie d’avance, de grosses sommes d’argent sont employées en dépit du bon sens, l’ancien PDG a mystérieusement disparu et le FBI rôde. Jimmy se pose trop de questions. Ne l’aurait-on pas engagé pour échouer ? Pour masquer des détournements de fond ? Ou pire ?

Classique. Jimmy se débat dans un milieu hostile et trouble. Son mariage bat de l’aile. Toutes les décisions qu’il prend semblent le tirer vers le bas, le chaos.

Classique ? Pas tant qu’il n’y paraît. Jimmy fait preuve d’un humour aussi froid que le soleil est de plomb. Il nous balade, nous prend à contre-pied. Qui est-il ? Un faible qui subit et provoque malgré lui un enchaînement de catastrophes ? Un killer redoutable, sans état d’âme ?

Parce qu’attention, quand il s’agit de dégommer de l’employé, il sait y faire. Les relations interpersonnelles, les techniques de management, la manipulation n’ont aucun secret pour lui. Et Matthew Klein s’en donne à cœur joie dans la description jouissive de l’univers salarial. Pas un pour rattraper l’autre. Incompétents, prétentieux, pétochards et pipelettes forment la cohorte des travailleurs. Des pions à la merci du cynisme des dirigeants, des insectes nuisibles qu’il s’agit d’écraser, parce qu’ils sont trop nombreux dans ces start up pourries, à moins qu’ils ne soient femmes, noirs ou vieux, on n’est pas des monstres et les procès coutent cher…

Alors oui, qui est-il ? Le sait-il lui-même ?

C’est ce nous révèle la deuxième partie, dans un changement de registre très original. Le roman noir se fait thriller, sans prévenir, pour un dénouement haletant, aussi déroutant qu’inattendu.

Marianne Peyronnet