Septième n’a pas vu sa famille depuis des années.

 

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Et surtout pas sa mère Mudd. Il mène une vie rangée avec sa femme et sa fille, qui ignorent tout de lui. Septième est ainsi nommé parce qu’il est le septième d’une lignée de douze, tous appelés selon leur rang d’arrivée. Mudd n’a eu cure de les distinguer. Ils ne servent que son grand dessein, redonner du souffle au grand peuple des Cannibales, sur le déclin. Voilà pourquoi elle s’est bâfrée de hamburgers en vue de préparer son corps à sa fin véritable, se faire crever bien grasse pour que ses enfants avalent le meilleur de sa chair dès son décès. Elle a réussi. Elle est prête à être mangée, ainsi elle continuera à vivre à travers sa progéniture. Septième, malgré ses réticences se joint à la cérémonie.

Joyeuse farce, sacrée fable, ou simple délire, Maman pour le dîner, inclassable, déconcerte et amuse. Shalom Auslander suit le fil tout au long de 245 pages sans le perdre, déclinant l’histoire de ces êtres violemment rejetés par une Amérique coincée. Victimes d’ostracisme même dans leur pays d’origine, les Cannibales, devenus ici Can-Am (cannibalo-américains), ont dû s’exiler et tenter de perpétuer leurs us et coutumes. Certains passages sont très drôles (quand l’auteur présente cette infinité si contemporaine d’humains faisant communautés, tels les libano-Erythréo-Americano-non-genré-albinos) ou plus perturbants, quand l’auteur décrit le racisme d’une société qui exclut toute différence, à l’image de l’idéologie de Mudd, chantre de la haine de l’autre.

Psychogénéalogie, thérapie familiale, Maman pour le dîner sous ses airs de franche rigolade, se pare d’une profondeur inattendue et tendant à l’universel lors de scènes rocambolesques durant lesquelles Septième s’interroge sur sa place parmi ses frères, sur cette terre, dans l’Humanité.

En 2008, La lamentation du prépuce, son autobiographie, nous régalait de détails sur les préceptes et obligations très orthodoxes de la religion juive dans laquelle il avait été élevé. On retrouve ici son ton décalé, son irrévérence qui cache (si peu) une grande empathie envers les victimes de rejet, un vif respect pour ceux qui défendent des traditions séculaires (même si ridicules) et une immense envie de rire.

Marianne Peyronnet