Parmi la nation kurde, écartelée entre quatre pays, les Kurdes d’Iran sont sans doute les plus pauvres et les plus maltraités.

 

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La mort de la jeune Mahsa Amini, à l’origine de la révolte que l’on sait, a mis un instant en lumière le sort réservé à ces populations du nord-ouest du pays, principalement sunnites dans une théocratie chiite.

Dessinateur iranien réfugié en France, Mana Neyestani a déjà produit quelques albums remarqués (Une métamorphose iranienne, L’araignée de Mashhad …) Avec Les oiseaux de papier, il s’attache au sort des kolbars, ces porteurs kurdes qui, pour quelques sous, transportent à dos d’homme à travers la montagne d’énormes ballots de marchandises de contrebande. Exploités, éreintés, ils meurent chaque année par dizaines, victimes du froid, d’accidents ou bien tirés comme des lapins par des douaniers qui ne s’embarrassent guère de sommations.

On suit ainsi une petite équipe de kolbars, contrainte par une tempête imminente à se dérouter pour suivre un chemin plus court mais dangereux, sous la conduite d’un guide plus que suspect.

Au-delà du seul aspect documentaire, parfaitement documenté, l’auteur met en place une véritable dramaturgie, à l’aide de personnages attachants et bien typés. Révélés au compte-goutte par une narration pleine de surprises, leurs motivations, leurs personnalités s’entrecroisent pour former l’une de ces tragédies dont la montagne, depuis toujours, semble détenir le secret. Là où il n’y a rien, que la neige, la roche et le froid, l’humanité se trouve mise à nu, face à elle-même et à ses failles, dont l’abîme s’offre comme la métaphore évidente. La tension monte peu à peu, tout comme les hommes avec leur fardeau, tandis qu’au village une jeune fille tisse un tapis…

Ce pourrait être un film parfait : c’est une bande dessinée, et elle est parfaite, servie par un graphisme atypique et nerveux, tout en hachures, visiblement issu d’une longue pratique du dessin de presse. L’austérité qui s’en dégage de prime abord déroutera peut-être l’amateur de pif pouf pan que tous nous restons peu ou prou, du fond de notre canapé. Un petit effort et la récompense n’en sera que plus belle. Les kolbars, après tout, en fournissent bien d’autres.

Yann Fastier