En Angleterre, dans les années soixante, une vague de suicides frappe la population adulte, sans explication.

 

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Pour les ados restés seuls, un vent de liberté souffle sur la capitale. Beuveries, expérimentations sexuelles, pillages des commerces, la bande d’Ernie compte bien profiter le plus longtemps possible de tous ces plaisirs nouveaux. Secondé par Kathy, sa petite amie régulière, et de Charlie, son meilleur pote, il étoffe sa troupe de membres rencontrés au fil de leurs pérégrinations. Il est utile de ne pas demeurer trop isolés pour ne pas se faire défoncer par les meutes rivales qui hantent les rues désertées. Chacun défend son territoire, son groupe, le mode de vie qu’il s’est forgé. Bientôt, les denrées commencent à se raréfier, difficile de trouver autre chose que des haricots en boîte et de la mauvaise bière, sans parler de l’essence. Les attaques entre meutes se multiplient, faisant de plus en plus de victimes. Ernie décide avec les siens d’émigrer vers le nord, d’autant que Kathy est enceinte.

Paru initialement en 1964, Only lovers left alive a, à sa sortie, exhalé un léger parfum de scandale, jusqu’à être interdit en Irlande. Pour sa première traduction en français, il faut reconnaître que les aspects les plus sulfureux du roman semblent gommés de nos jours. Bien sûr, l’idée que des jeunes puissent se réjouir de l’anéantissement pur et simple de leurs parents et profs reste dérangeante et c’est bien de côté-là, plutôt que dans le défilé de scènes supposées licencieuses ou violentes, que l’œuvre conserve un impact sur le lecteur d’aujourd’hui. Ernie et sa bande semblent détachés de tout, incapables d’éprouver des sentiments profonds envers leurs semblables et leur manque d’empathie crée un sentiment de malaise. A mesure qu’ils subissent la dégradation de leur environnement, ils gagnent en humanité sans pour autant devenir vraiment sympathiques. Certains blogs ont récemment vu dans cette dystopie une métaphore de l’autorité en déclin et ses conséquences, prétendent que la lecture du roman dans les lycées permettrait de recadrer la jeunesse qui a tendance à oublier le respect envers les aînés. J’en doute. Il faudrait pouvoir demander à l’auteur ce qu’il avait en tête.

Ne faut-il pas plutôt voir le vent de liberté saisissant dans ces pages comme l’annonce de la libéralisation des mœurs à venir à la fin des sixties ? Et la mise en avant d’un groupe - les adolescents - qui n’avait pas d’existence avant que les Américains ne les inventent dans les 50’s ? Reste que Only lovers left Alive est une lecture agréable si on la remet dans son contexte, et émouvante car symbolique de la naissance d’un genre.

Marianne Peyronnet