Qu’une poignée de pré-adolescents soit capable de mettre en déroute une bande de malfrats aguerris ou de déjouer une opération d’espionnage international, ça peut sembler de prime abord difficile à croire.
Et pourtant, nous l’avons tous cru ou, du moins, avons-nous un jour voulu le croire. Il faut dire que du Club des Cinq aux Six Compagnons, d’Alice à Fantômette ou de Michel à Sans-Atout, il fut un temps où les détectives en herbe se bousculaient au portillon de nos bibliothèques préférées, qu’elles soient vertes, roses ou même rouge & or. L’ordre régnait alors dans la littérature jeunesse, gardé d’un œil clair par une vigilante armée de redresseurs de tort en short et sandalettes.
Cet ouvrage collectif en réunit une vingtaine, parmi les plus fameux, sous le prétexte de raconter leur vie comme s’il s’était agi de personnages réels. Contrainte un peu frivole dont la plupart des auteurs s’affranchissent avec allégresse pour se contenter, de façon plus constructive, de dresser un portrait circonstancié de ces émules de Sherlock Holmes. Bien sûr, cette belle jeunesse a depuis pris des rides et ce livre, de toute évidence, est avant tout destiné aux vieilles barbes guère mieux loties que nous sommes. De même, d’aucuns jugeront qu’il en manque (quid de l’agence Kamo, quid des frères Hardy?) ou bien trouveront Jérôme K. Jérôme Bloche un peu trop âgé pour le rôle (sans parler de Détective Conan, qui n’a guère d’un enfant que l’apparence).
Fi des grincheux et des mauvais coucheurs : ces « vies » sont une vraie cure de jouvence et l’on se replongerait volontiers dans les aventures délicieusement surannées de la famille HLM ou de la patrouille des Castors si, désherbage oblige, la plupart de ces jeunes gens n’avaient depuis longtemps pris le chemin du pilon. On peut à bon droit le regretter comme on peut au contraire s’en réjouir, pour mieux les chérir dans nos mémoires où ils sont à jamais hors d’atteinte des gangsters, des faux-monnayeurs et des bibliothécaires.
Yann Fastier