Robert Sundance est né dans une réserve sioux dans le Dakota du Sud en 1927. 

 

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La danse du soleil est le livre de ses mémoires, qu’il terminera en 1993, juste avant de mourir. C’est le témoignage bouleversant d’un survivant à l’alcoolisme dont il a souffert depuis sa prime adolescence, comme tous les gosses de son peuple. Les souvenirs s’enchaînent au rythme de ses soirs de beuverie et de la terrible répression dont il est victime de la part des autorités quant à son état. Car les Indiens n’ont pas le droit de boire dans cette Amérique raciste, accusant les autochtones de se rendre coupables d’actes de délinquance. Ce qu’ils font, assurément. Il suffit pour s’en assurer de lire les frasques de Sundance et ses comparses quand ils sont saouls de mauvais alcool, sous l’emprise de n’importe quel breuvage pour peu qu’il procure l’ivresse. Bagarres, vols, viols, les hommes sont capables des pires bassesses, tous les hommes et pas seulement les autochtones. Sundance est incapable de la moindre empathie envers ses semblables, pas même envers les femmes, plus fragiles, et dont la durée est très courte dans la rue. Rendu à l’état d’animal par ses démons, inapte à l’amour, sa solitude ébranle le lecteur. Dans cette vie d’errance, même les amitiés vécues avec des compagnons de circonstance ne durent pas. Seuls les passages à tabac, les inculpations en série, les nombreuses condamnations à la prison perdurent, comme une réponse démesurée à sa chute qui semble irrémédiable. Interné à plusieurs reprises, souffrant de terribles accès de délirium tremens dès qu’il est abstinent plus de quelques heures, Sundance finit par s’insurger contre cette existence qui le mène à sa tombe, poussé dans le dos par la police, trop heureuse de faire du chiffre en le jetant en taule dès qu’il le croise.

La danse du soleil est l’exposé, bar après bar, pendant trente ans, d’une déchéance sur laquelle le protagoniste semble n’avoir aucune prise. Témoignage de première main sur une Amérique qui se moque bien des plus faibles, surtout s’ils ont la peau sombre, il s’avère parfois difficilement supportable. Apre, rude, d’une sincérité glaçante, Sundance raconte sans euphémisme une existence dont l’unique but est de trouver sa dose, quel que soit le moyen pour y parvenir. Il ne s’épargne pas, ne s’éreinte pas non plus. Les exactions des flics contre ceux de sa race, et surtout contre les alcooliques, cibles faciles, glacent le sang, mettent en rage. Le livre tire sa force de la réalité vécue. Puis, du combat mené. Car Robert Sundance finira par prendre conscience de l’injustice de l’Etat envers les malades de cette addiction et son procès à la fin des 70’s fera reconnaître l’alcoolisme comme une maladie et non un délit.

La danse du soleil n’est pas une œuvre littéraire. On sent bien que les mots ont eu du mal à être confiés, ont dû être guidés, agencés avec l’aide d’un autre. Cela n’enlève rien à leur force. Surtout lors de la dernière partie, où Sundance, libéré de sa dépendance, livre une diatribe terrible contre l’injustice dans laquelle ceux de son peuple sont plongés.

Marianne Peyronnet