Quelque part en Amérique, au cœur de l’été.

 

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La petite Macey et sa mère, parties pique-niquer, font la rencontre – pas tout à fait inopinée – de Mitchell, un herpétologue new-yorkais, belle bête à l’esprit moqueur et séduisant, bien faite pour affoler une jeune veuve de guerre en mal de chaleur humaine. La greffe prend, le beau savant s’installe et noue avec la petite fille une relation complice à travers un serpent des blés (Pantherophis Guttatus), couleuvre inoffensive qu’il lui capture et lui installe dans un vivarium. C’est tout, et c’est en même temps beaucoup plus, tellement ce très court roman met d’ampleur à respirer, d’une façon qui l’exhausse bien au-delà de lui-même. Par son caractère elliptique, tout d’abord, quand les événements, fragmentaires et vus la plupart du temps à hauteur d’enfant, doivent être lus en creux, presque déduits par le lecteur qui n’en maîtrise pas toujours les tenants et aboutissants. D’autre part par l’étrange torpeur qui en émane et n’est autre que celle où semble se réfugier Macey elle-même, petite fille contemplative et sans préjugés, à qui les serpents ne font pas peur : « Tu es cool. Les serpents aiment bien les gens cool » lui dit Mitchell, qui lui trouve (c’est dans sa bouche un compliment) « un je ne sais quoi de vipérin. Une très légère vipérosité symptomatique autour des yeux. »

Ce qui n’était encore qu’un premier roman prometteur lorsque Zulma le fit d’abord paraître en 2005 se trouve aujourd’hui un peu survendu comme l’unique roman d’un auteur météorique, selon le storytelling désormais bien établi de l’écrivain à la Salinger, de préférence américain et d’autant plus précieux qu’il se fait rare. Peu importe : Le Serpent des blés n’en fait pas moins preuve d’un charme indéniable, porté par son intemporalité torpide et ce même air d’agréable déjà-vu qui séduit d’emblée dans la peinture de Hopper ou les chansons de Tom Waits.

Yann Fastier