Gus n’a pas les codes, pas le vocabulaire. Pas non plus de boulot, ni d’appart.

 

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Face à la juge qui lui retire le droit de garde de sa petiote - Emilie, 14 ans – il ne fait pas le poids. Mais tout ça va changer. Il va agir. On va voir ce qu’on va voir. Faut pas le pousser à bout, le Droopy loser. Il a un plan : prendre en otages les clients de l’hôtel où il loge, exiger du fric et un avion pour le Vénézuela en échange de leur libération pour se tirer au soleil avec sa fille.

Le temps de la prise d’otages et des pourparlers avec la police, incarnée par Mia, négociatrice hors pair, Benoît Philippon plante le décor et déroule son récit, qui ne tarde pas à déborder du cadre. Ce n’est pas seulement l’histoire de Gus qu’il raconte, un brave paumé un brin dépassé, c’est celle de tous les habitants du love hôtel, gargote en fin de course coincée dans une banlieue qui ne fait pas rêver. Cerise, George, Boudu, Gwen et Dany, Fatou, Hubert ont tous échoué là un peu par hasard. Prostituée au cœur sec d’en avoir trop bavé, vieux monsieur tenancier du palace qui prend plus soin de ses hôtes que de lui-même et surtout de son rescapé de clochard, amants de passage, exilée solitaire, livreur enfumé, tous ont posé ici leur musette bien pleine de misères. Leurs vies, que l’auteur expose en quelques pages qui nous font les aimer d’entrée, sont collées ensemble sans qu’ils l’aient cherché. Quand Gus débarque avec son plan d’enfer, il dérange l’équilibre fragile de cette communauté et force les membres à prendre conscience de ce qui les rassemble. Et il ne fait pas dans la dentelle. Coups de pétoire à tous les étages, mandales, engueulades, Philippon plonge tous les protagonistes dans un grand shaker et secoue si fort que les murs tremblent jusqu’au bout de la rue, faisant se masser les habitants du quartier pour profiter de l’animation puis prendre parti pour Gus le forcené à la juste cause, version Un après-midi de chien. Comédie pure avec torgnoles et répliques qui glissent aussi vite que les canons dans le gosier de Boudu, drame absolu quant aux situations traversées par les personnages envers lesquels l’auteur éprouve une tendresse communicative, western périurbain, cartoon façon Tex Avery, Petiote mélange les genres et finit en apothéose pour laisser le lecteur pantois, tout ému, tout retourné, tout chamboulé.

Marianne Peyronnet