Bill, chauffeur de bus passionné d’histoire, a choisi pour sa famille des vacances d’été un peu spéciales,

 

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suivre un stage d’archéologie en compagnie d’un prof d’université et de trois étudiants. Dans le nord de l’Angleterre, le groupe devra se conformer au mode de vie de la tribu autochtone de l’âge de fer, les Northumbriens. Bill est ravi. Camper, faire du feu, être en harmonie avec la nature le confortent dans l’idée que c’était mieux avant, il y a très longtemps, quand les hommes étaient des mâles, des vrais, quand leur autorité n’était pas contestée, qu’ils étaient seuls à faire la loi, sans devoir se plier aux exigences des femelles ou aux diktats des hordes sauvages venues de l 'étranger. Il fait du zèle, impose aux siens des paillasses qui grattent, tandis que les universitaires dorment dans le confort relatif de tentes. Il prend à cœur le rôle qui lui est imparti, chasser, penser et laisse aux femmes de sa tribu, son épouse et sa fille Sylvie les tâches sans importance, la cueillette, la préparation des cadavres d’animaux qu’il ramène, la cuisson des repas. Sylvie, adolescente, et sa mère ne se rebellent déjà pas dans la vie moderne, comprend-on assez vite. Sous la domination de Bill, être brutal, prompt à lever le poing et à jouer de la ceinture pour corriger leurs moindres faux pas, elles ont appris à obéir, courber l’échine, tenter d’anticiper les désirs du maître du foyer pour éviter les coups. Dans cet univers primitif, le fauve est lâché. Quand l’enseignant explique au groupe les rituels macabres des ancêtres des lieux, l’adolescente semble la proie rêvée pour se prêter au jeu d’une reconstitution grandeur nature. Entre loyauté envers sa famille, envers ce despote qu’elle craint autant qu’elle admire, et fascination pour la liberté incarnée par Molly, l’unique étudiante de la troupe qui se goinfre de sucreries achetées à la supérette du coin, Sylvie oscille. La narration suit l’antagonisme de ses pensées secrètes, selon une courbe ascendante, de l’acceptation des principes paternels, en passant par le doute jusqu’à l’émergence d’une émancipation possible. Le drame de Sylvie est intime et en cela terrifiant. Elle est seule et jusqu’à l’arrivée de Molly dans sa vie, elle n’a aucune alliée, personne pour remettre en cause l’éducation qu’elle subit. Sa mère est si terrifiée qu’elle est une ombre, effacée, occupée à sauver sa propre peau. Et la bande nouvellement formée ne voit pas sa souffrance tant Bill est doué pour isoler sa fille et plonger des êtres pourtant instruits au bord de la folie. Le propos est rude. La finesse du trait, délivrant par touches infimes le phénomène de l’emprise d’un homme sur ses proches et au-delà, démontre une parfaite connaissance des mécanismes psychologiques à l’œuvre, autant qu’une maîtrise admirable des moyens littéraires pour les exposer, donner à ressentir, l’incertitude, le sentiment de culpabilité de la victime, et au final notre rage.

Marianne Peyronnet