Quand Cara Zina et Virginie Despentes fondent Straight Royeur,

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leur décision de monter sur scène résulte d’années d’immersion dans un underground activiste et s’inscrit dans une démarche logique de la part de ces deux filles enragées qui ont tant de choses à dire. Il est temps. A Lyon depuis quelques mois, l’étudiante et la disquaire, membres de divers collectifs, ressentent l’urgence de ne plus se cantonner au rôle trop souvent dédié aux femmes, même dans les milieux les plus progressistes. Plus question de seulement tenir la caisse, servir les bières, l’heure est à l’action. « Ne pas attendre la permission. Faire ce qu’elles ont à faire. Prendre leur place » en créant un groupe de punk rap féministe. Leur approche est politique, émancipatrice. 1989. Les planètes sont alignées. Pour elles qui viennent du rock et manquent de modèles féminins, le rap de Public Enemy, (dont l’album Fear of a Black Planet inspirera le titre de leur ultime démo en 1992), et le film de Spike Lee Do the Right Thing, proposent une bande son révolutionnaire qui tape fort, une fusion qui les inspire, mêlant guitares saturées et textes scandés, sur laquelle coller des paroles engagées. C’est le souffle qui leur manquait, l’énergie punk retrouvée, l’impulsion libératrice, la possibilité enfin, de dire. De raconter le viol, les violences faites aux femmes, sans misérabilisme, comme dans leur morceau « Les loutes ». Les mots de Despentes (déjà) claquent : T’as 2000 ans de christianisme restés coincés en haut des cuisses. Assumer sa féminité, c’est bien trop souvent ressembler aux clichés des loutes en papier. J’veux être femme sans me rabaisser, pas minauder pour faire bander. Elles transposent l’antiracisme US au féminisme, et sortent des stéréotypes en sortant de l’ombre. A l’instar d’un Malcolm X, qui incitait à « transformer l’image que l’on a de soi en tant que noir », elles appliquent la sentence à leur sexe. Au début des 90’s, le punk alternatif des Bérus, Parabellum, OTH, Warum Joe… est mort. Le mouvement a laissé derrière lui des radios, des salles, des bars, des envies. C’est un son d’un nouveau genre qui exprime la rébellion, une fusion entre rock et hip hop dont Cara, Virginie et Gilles Garrigos, ex-guitariste de Haine Brigade, associés à Hashan et MC, s’emparent pour exprimer leur rage. Le livre Fear of a Female Planet est une enquête fouillée sur le groupe racontée par ses anciens protagonistes. Composé d’interviews, rempli d’anecdotes, avec photos, reproductions de flyers, affiches, grafs, paroles de chansons, il retrace l’historique du milieu rock puis rap lyonnais avec ses lieux et ses figures emblématiques comme une mise en abîme d’une certaine histoire de France, dans laquelle, enfin, des filles entrées en résistance ouvrent la voie, en passant par la grande porte.

Marianne Peyronnet