Effeuilleuse professionnelle et travailleuse du sexe (et non prostituée, elle y tient, vu qu’elle ne fait que les branlettes),

 

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Antonia Crane aura eu bien d’autres noms au cours de sa déjà longue carrière : Stevie, Violet, Angelique, Alexis, Rosebud... jusqu’à Candy et Lolita, preuve d’un intérêt non démenti pour la littérature que vient enfin couronner cette autobiographie. De club en club, de loge cradingue en scène enfumée, de San Francisco à La Nouvelle Orléans et Los Angeles, elle déroule le parcours d’une jeune fille ordinaire, devenue strip-teaseuse par goût après l’avoir été par nécessité, au fil d’une vie cahotée par le speed et l’argent facile. Une vie parmi les femmes où la solidarité, quoi qu’on en dise, n’est pas un vain mot face aux hommes avec lesquels il ne saurait y avoir que faux semblants, si bien qu’aux protestations féministes des débuts succède une conscience plus juste, apaisée, de l’aliénation réciproque présidant au sexe tarifé. Ce qui nous vaut au passage quelques scènes que n’aurait pas renié Krafft-Ebing et dont le pathétique n’est jamais à chercher du côté des nanas, mais de ces gars, détestables ou désolants, toujours prêts à dépenser des fortunes pour apprendre à leurs dépens que la chair est triste, hélas.

Écrit sans grand art puisque c’est un gage d’authenticité, parfois même assez convenu (combien de « femmes puissantes » !) Consumée n’a certes pas la puissance orageuse qui parcourait le Putain de Nelly Arcan. À sa décharge, si l’on ose dire, il n’est « pas si facile d’écrire avec une bite à la main » et Antonia Crane, qui porte bien son nom, a au moins pour elle une lucidité généreuse qui, parfois, confine à l’autodérision. Reste qu’écrit par une française, il n’aurait sûrement pas quitté la catégorie « témoignages ». Antonia Crane est américaine : elle écrit donc de la non-fiction et c’est encore de la littérature.

Yann Fastier