Soyons francs, le titre est un peu trompeur : non seulement le destin d’Odette n’a rien d’absolument tragique mais il sera surtout question dans ce livre de son mari Robert.

 

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Robert est coiffeur à Montceau-les-Mines et, depuis le début des années 60 et son premier appareil-photo jusqu’à la mort de Robert puis celle d’Odette, son jeune voisin François n’aura cessé de les photographier, à leur insu ou non, sous toutes les coutures, dans leur boutique ou bien devant, par temps clair ou sous la pluie, taillant les douilles du quartier comme le bout de gras, curieux de tout ce qui peut faire le quotidien d’un quartier populaire pas encore vidé de ses petits commerces, peuplé de gens modestes dont la vie, après tout, vaut bien celle de bien d’autres mieux ou moins bien lotis. Le matériel était donc là, depuis longtemps, restait à en faire un livre. C’est lors d’un stage aux Rencontres photographiques d’Arles que François Bouton, parfait amateur, rencontra Martine Ravache et lui montra une première ébauche de ce qui devait devenir, une fois mis en forme avec son aide et celle de l’éditrice, l’un de ces monuments à l’infra-ordinaire dont l’ironie légère aurait ravi Georges Perec ! Car on est bien dans ce registre fondamentalement bienveillant, loin de l’hilarante cruauté, par exemple, des effarants What the fuck ! des éditions Télémaque : ici, l’on sourit sans se moquer des petites manies du voisin, mis en légende avec une espièglerie pince-sans-rire par le petit gars d’en face – vous savez bien, celui qui prend tout le temps des photos… Ce ton parfaitement juste, c’est ce qui fait tout le prix du recueil : même la distance légère que l’auteur installe entre ses images et leurs légendes ne suffit pas à masquer la sympathie manifeste qu’il éprouve à l’égard d’un sujet qu’il ne cherche jamais à dominer ni à tourner en ridicule. Robert est Robert et, s’il n’est que Robert, il n’en est pas moins le héros de sa propre vie. Qui est un peu la nôtre.

Yann Fastier