Pour avoir un jour retrouvé dans les bois un verre à boire abandonné par l’un de ses ancêtres,

 

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le jeune Klingsor, dernier rejeton d’une longue lignée de Klingsor, s’offre une épiphanie. Il sera peintre et passera sa vie à peindre ce verre doué, comme toute chose, d’une vie propre. Tant qu’il y est, il peindra également le reste de la vaisselle familiale, « étudiera » à Paris, se mariera avec sa professeure du cours de dessin de l’Institut d’études par correspondance et ne mourra même pas oublié puisqu’il n’avait jamais éprouvé le besoin de se faire connaître.

Biographie fictive d’une sorte de Morandi suédois, Klingsor est le dernier roman de l’écrivain, mort en 2017, offert à la postérité comme un rappel facétieux de la vanité de toute chose. « Irrémédiablement confiné dans son moi », Klingsor se veut le plus grand peintre de Suède (allez, du monde). Il ne le sera que d’un tout petit monde, nourri de la seule reconnaissance des ignorants et des ratés, mais avec une certitude frisant l’absurde. Klingsor coche toutes les cases des biographies de peintres, mais à l’échelle dérisoire d’un provincialisme absolu, d’une petitesse inversement proportionnelle à la prétention naïve de l’artiste. Prétention assez subtile au demeurant : on n’est pas chez Topor, dont les Mémoires d’un vieux con annonçaient franchement la couleur. Ici, la satire est suédoise, elle tend naturellement vers la demi-teinte et plus particulièrement vers le caput mortuum, couleur préférée de l’artiste, sorte de brun violacé dont le nom même signifie que l’on n’en peut rien tirer.

Le roman pâtit forcément un peu de cette grisaille. A force de sourire en coin, ce qui se veut une réflexion désinvolte sur la création et ses limites prend lui-même un petit air superflu. On peut aimer Klingsor : on peut l’aimer un peu, on peut l’aimer beaucoup mais, passionnément, non. Pas comme on avait aimé le premier Torgny Lindgren, celui du Chemin du serpent, de Bethsabée ou des Trente-deux voix de Dieu

Yann Fastier