Champion d’apnée, Giuliano, la cinquantaine, se prépare en vue d’un nouveau record de profondeur.

 

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A quelques jours de l’épreuve, il connaît d’étranges épisodes hallucinatoires où les époques semblent se confondre, le ramenant à l’origine de sa vocation pour un sport pas comme les autres. « Oublie que tu respires » : ce très beau titre dit tout d’une pratique qui s’apparente bien plus à une forme de commerce avec la mort qu’à de la compète en maillot de bain. L’apnée est une suspension, dans l’espace et dans le temps, une quête quasi métaphysique où le risque est grand de se perdre, comme Giuliano l’expérimente à plusieurs reprises, tenaillé par une volonté d’expiation dont on finira par comprendre le ressort secret. Seul, face à la mer, presque coupé d’un monde dont il semble ignorer la plupart des joies, Giuliano pourrait se laisser sombrer si le souvenir de plus en plus prégnant d’une jeune plongeuse traditionnelle de l’île de Hekura, au Japon, ne lui traçait un chemin sûr à l’heure des choix décisifs.

Oubliez Le grand bleu, ses prestiges et ses plongées à grand spectacle : celles de Giuliano l’amènent plus souvent au fond de lui-même qu’au fond de l’eau, même si tout ce qui touche à la pratique de l’apnée est à l’évidence très soigneusement documenté – presque un peu trop, par moments, comme si l’autrice avait quelque chose à prouver à cet égard. Ce léger travers ne fait heureusement en rien obstacle à une lecture qui, pour n’être pas haletante, n’en est pas moins à couper le souffle, littéralement et sans jeu de mots : « Une dernière molécule d’air s’est détachée de ma gorge et j’ai senti le ressac métallique du néant qui traversait mes poumons pas plus grands que les poings d’un nouveau-né. » On en oublie parfois soi-même de respirer, happé par les gouffres où se débat Giuliano et bénissant cet excellent second roman – après Le cœur léger (La dernière goutte, 2015) – tant pour la profonde émotion qu’il dégage que pour sa brièveté salvatrice.

Yann Fastier