Si rien, pas une ligne n’est à jeter de l’œuvre ardente de Panaït Istrati (1884-1935), Codine en est certainement l’une des pierres angulaires, l’un des textes qui l’exprime à lui seul de la façon la plus intense.

 

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Parmi les nombreuses figures de mentors que compte la littérature, celle de Codine est en effet l’une des plus puissamment dessinées, l’une des plus tragiques aussi. Ex-bagnard, terreur du quartier de Braïla où s’est échoué avec sa mère le jeune Adrien Zograffi, double littéraire de l’auteur et narrateur de cette longue nouvelle, le géant Codine se prend rapidement d’amitié pour ce garçon dont la pureté de sentiments lui fait entrevoir une lueur d’espoir dans la noirceur et la bassesse dont lui-même fut entouré depuis toujours. Constamment rattrapé par le malheur, Codine, malgré les apparences, n’en est pas moins fondamentalement bon, ce dont le jeune Adrien ne doute pas un instant, jusqu’à devenir son confident et « frère de croix » à la vie à la mort. Une mort qui ne tarde évidemment pas : excessif, violent, passionné, Codine est l’un de ces personnages « plus grands que la vie » dont Panaït Istrati ne cessera de chanter le destin pathétique dans un monde trop étroit pour eux. C’est encore le cas de l’oncle Dimi, ivrogne et malchanceux ou bien celui de Kir Nicolas, pâtissier albanais dont Istrati fut un temps l’apprenti, et dont les histoires encadrent celle de Codine, comme un triple prologue à l’une des œuvres littéraires les plus authentiquement fraternelles du XXe siècle. Ce dont le XXIe semble d’ailleurs enfin s’apercevoir, entre une récente édition des Œuvres (Libretto,2015), la reprise, en 2015, de la très belle adaptation cinématographique de Codine par Henri Colpi (1963), une autre, en bande dessinée, par Jacques Baujard et Simon Géliot (La boîte à bulles, 2018) ainsi qu’une passionnante biographie dessinée de l’écrivain, par Golo (Actes sud, 2017-2018).

Yann Fastier