« Si on veut que l’Algérie soit française, la seule solution, c’est de tuer tous les bougnoules. »

 

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La position de l’Armée française, en tout cas celle du commandant Cammas, qu’André Leguibel rencontre à son arrivée en Algérie en 1960, est on ne peut plus claire. Jeune officier, Leguibel, jusque là affecté dans les services du renseignement en Allemagne et fraîchement débarqué à Alger, ne s’offusque pas d’une telle opinion, trop heureux d’avoir quitté la paperasse pour faire la guerre pour de vrai. Il se voit confié la mission d’intégrer la « katiba Guellab », commando de chasse sous les ordres du sergent chef Mohamed Guellab. La section, héroïque, a dessoudé plus de rebelles, ces sales fells fourbes que n’importe quelle autre. Mais il y a un hic, Guellab est d’origine musulmane, suspect donc, et l’officier (bien) français envoyé pour diriger le commando a été tué. Guellab a-t-il assassiné le gradé pour conserver son autonomie ? S’apprête-t-il à déserter, à rejoindre le FLN ? André Leguibel devra le découvrir, grimé en simple troufion, spécialiste radio.

Leguibel arrive en Algérie sans rien comprendre des rapports de force en présence, des enjeux qui se dessinent. Il ne sait de ce conflit que la version officielle. Espion en immersion, il observe. A mesure qu’il apprend à connaître ses compagnons de troupe, il raisonne, se questionne, s’émeut, se désespère. Le commando est composé d’individus dont les motivations sont diverses, de même que les raisons de leur présence dans le djebel. Engagés ou appelés, Français de France ou Harkis, convaincus de la justice de leur combat ou se contentant d’obéir aux ordres, tous se retrouvent unis dans un but ultime : leur survie.

Pas d’explications savantes, pas de discours manichéens. C’est par les dialogues, au cours de la progression de l’intrigue, la traque d’un détachement du FLN dans le djebel, que François Muratet donne à entendre les différents points de vue. Echanger une ration d’alcool contre une pâte de fruit en dit plus long dans les relations qui se nouent entre ces hommes d’horizons multiples qu’une thèse érudite. Le vocabulaire est simple mais précis pour dire leur quotidien, leurs espoirs, leurs souffrances. Simples comme leurs désirs. Manger à sa faim, se désaltérer, délacer ses godasses, se reposer, un peu. Tous les soldats ont les mêmes rêves. Que la guerre s’arrête, que les balles des fusils les épargnent, que les grenades ne les laissent pas déchiquetés, abandonnés comme des chiens, loin des leurs. Toute guerre est absurde, et celle-là plus qu’une autre. Muratet ne dit rien d’autre. Douce France, qui refusera de célébrer ses héros trop bronzés d’hier, Algériens pour toujours. Admirable roman, salutaire et triste.

Marianne Peyronnet