Tout arrive : Nathalie, une jeune costumière francophone à peine sortie de l’école, est engagée par un trio d’acrobates du cirque de Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe.

 

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C’est l’hiver, le cirque en dur a fermé ses portes et, le temps d’une morte-saison, elle est chargée de créer les costumes qu’ils porteront lors d’un concours international de galipettes. Version longitudinale du trampoline, la barre russe ne fait pas de cadeaux : la rebondissante Anna doit avoir une confiance absolue en ses partenaires – le vieil Anton, le jeune Nino – seuls à même d’assurer son équilibre et de l’envoyer tutoyer la mort à plus de sept mètres de haut. La confiance, justement ce qui manque à Nathalie, à cheval entre son enfance et la vraie vie, grignotée par l’incertitude et le psoriasis, sur les traces d’un père à la fois volatil et phobique de l’avion. C’est donc auprès de ces trois acrobates-là qu’elle l’apprendra, pas seulement d’ailleurs de leur savoir-faire, mais aussi de leurs propres fêlures qu’elle découvrira peu à peu. « Un bébé apprend plus vite à rester debout qu’un adulte à lâcher prise » conclut Nino à l’issue d’un moment de grâce où, invitée à éprouver la barre, Nathalie découvre presque malgré elle la joie de « s’en remettre aux porteurs » sans avoir à se soucier de son équilibre.

Après L’hiver à Sokcho (Zoé, 2016) et Les billes du Pachinko (Zoé, 2018), on retrouvera sans déplaisir les demi-teintes et la discrétion d’une écriture taillée pour l’hiver, pénétrée d’une mélancolie presque langoureuse, en tout cas sans désespoir ni sentimentalisme excessif. Un matin, le soleil est là, « en rond très net dans la brume », qui pourrait servir d’enseigne à ce cirque sans flonflons ni paillettes, un peu râpé comme ce chat qui lui sert de mascotte. Le même soleil, sans doute, qui attend le funambule à l’autre bout de son câble, ou quiconque doit un jour apprendre, comme Nathalie, que « se mettre à voler, c’est d’abord tomber ».

Yann Fastier