Il était une fois une jeune fille très jolie qui s’appelait Eugénie.

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Son père, le Roi Cruel, la vend à ses seize ans à un homme riche, Barbiche. Le nouvel époux, malgré ses mille ans, a une belle prestance et de bonnes manières. Il est légèrement inquiétant aux yeux de la demoiselle, tatoué d’un serpent qui palpite dans son cou, mais il lui promet l’amour, le respect de sa pureté. Sur la longue route vers le château du maître, Eugénie recueille un chien noir qu’elle nommera Chasseur.

Conte gothique. Le sous-titre annonce la couleur, et c’est bien une réappropriation des thèmes et des ambiances chers aux contes classiques que Lucie Baratte nous propose. Gothique assurément, dans lequel règne le sombre, le violet, le velours, les orages et les cris dans les bois, Le chien noir revisite les figures connues – la jeune femme sans défense, le père puis le mari sans considérations pour ses sentiments – et nous replonge dans ce plaisir mêlé d’effroi que nous ressentions à la lecture de ces histoires horrifiques qui bercèrent notre enfance, secouèrent nos berceaux, devait-on plutôt dire, tant ces récits remplis d’inceste, de viols, de meurtres, de parents abandonnant leur progéniture, n’étaient pas là pour nous aider à nous endormir, mais bien pour nous présenter une certaine vision de l’humanité, nous alerter peut-être. Lucie Baratte, finalement, n’a pas à forcer le trait. Elle guide son lecteur, en empruntant la forme narrative du conte, vers un terrain qu’il comprend mieux, devenu mature, celui des perversions humaines. Elle se contente d’en accentuer certaines touches, avec de belles trouvailles, comme ces peintures mouvantes où les personnages forniquent ou s’entretuent. Eugénie est bien une peau d’âne aux robes couleur de suie ou de nuit, qui cherche des stratagèmes pour éviter des rapports sexuels contre nature ou imposés, sans y parvenir ici. Barbiche est bien un Barbe Bleu, un prédateur cynique qui use de son pouvoir. La sensualité est juste un peu plus appuyée, les scènes d’épouvante plus crues, afin de toucher nos âmes blasées d’adultes.

Marianne Peyronnet