Son frère prématurément décédé, la jeune Natsuko abandonne son travail dans la publicité pour la fabrique de saké familiale, dont il était le gérant.
Non qu’elle entende le remplacer mais elle veut accomplir son rêve : produire le meilleur saké du monde, à partir d’un riz très particulier dont il était parvenu à se procurer un seul petit millier de grain. Dotée d’un palais miraculeux (en même temps elle picole depuis l’âge de 9 ans !), elle n’entend cependant pas grand-chose à la fabrication de l’alcool, et encore moins à la culture du riz. Elle saura cependant convaincre les bonnes personnes et leur insuffler suffisamment d’enthousiasme et de volonté pour réussir là où tout le monde la voyait échouer.
Quand la bédé française se mêle de vinasse, cela donne Châteaux Bordeaux, de Corbeyran et Espé ou, au mieux, Les ignorants de Davodeau. Quand le manga y met le nez, cela donne Les gouttes de Dieu, de Tadashi Agi et Shû Okimoto, 44 volumes en 10 ans, des dizaines de personnages, un vrai roman feuilleton. C’est que les Japonais ne font jamais les choses à moitié. Akira Oze, lui non plus, ne nous épargne rien : au bout des deux premiers (gros) tomes, Natsuko est à peine parvenue à faire pousser le riz nécessaire à la fabrication de son nectar ! Le plus dur - le meilleur - reste donc à faire et on s’en réjouit d’avance, tellement cette série en 6 volumes s’annonce enivrante sans jamais donner mal à la tête. C’est que l’information, pourtant abondante, n’y est jamais bêtement didactique, mais toujours distillée avec habileté au sein d’une véritable histoire, complexe et émouvante. Le manga aussi vieillit bien : créé en 1988, Natsuko no saké n’a pas pris une ride, au point d’être devenu depuis une référence au Japon, une manière de grand cru qui plaira même aux abstinents.
Le plus fort étant que l’auteur, au départ, n’aimait pas le saké.
Yann Fastier