Dans cette zone commerciale de cette petite ville de la banlieue bruxelloise, tout est calme.

Théo, sur le parking du McDo, attend. Il attend que Max le rejoigne pour s’enfiler quelques joints et quelques bières afin de fêter dignement la fin des cours. Il attend le résultat de ses exams, en ce soir du 21 juin, à la veille de ses dix-huit ans, pour savoir quel avenir s’ouvre à lui. Non loin de là, le Dr Rombouts vient de terminer sa journée. Les consultations se sont succédées. Il s’apprête à quitter l’hôpital pour rejoindre sa villa, située dans un havre de paix, à la campagne. On imagine aisément que le destin des trois personnages va être de se croiser et que la rencontre aura de funestes conséquences. Jeunes désœuvrés et alcoolisés contre notable un rien réac, l’histoire est connue. On aurait tort de nier le talent de Célestin de Meeûs à créer la surprise. Rien ne se déroulera comme le prévoient les clichés propres à ce genre de récit.

Ce qui frappe tout d’abord, c’est le style. Si l’alternance de chapitres laissant libre cours aux pensées de Théo puis à celles du Docteur est un procédé souvent utilisé, l’emploi de phrases très longues, à la ponctuation singulière - dont une absence de points et souvent de virgules - donne à la lecture un rythme déroutant, d’une étonnante fluidité. L’aspect hyper réaliste est rendu par l’accumulation de détails ancrant les acteurs du roman dans un environnement précis et contemporain. Théo et Max trompent leur ennui en regardant des vidéos sur les réseaux sociaux tandis que le Dr Rombouts se prélasse dans sa grosse berline. La psychologie des protagonistes est détaillée à travers leurs sentiments intimes, leurs souvenirs, et contribue à faire avancer le récit. La structure de la narration, avec l’annonce à l’avance d’un drame à venir, inéluctable, donne au texte toute sa tension… sans qu’on puisse deviner le dénouement, et fait de Mythologie du .12 une œuvre déroutante, puissante, extrêmement maîtrisée.

Marianne Peyronnet