Au moment où paraît le 6e volume de la série, il était grand temps de parler de Sunny.
Depuis Amer béton, Taiyou Matsumoto s’est imposé comme l’un des mangakas les plus originaux du Japon : Ping Pong, Gogo Monster, Le samouraï bambou, tout comme le génial et énigmatique Number 5, sont tous devenus des classiques. Parions qu’il en adviendra de même de cette nouvelle série, la plus attachante qu’il ait jamais produite, peut-être parce qu’elle puise très largement dans ses propres souvenirs. Sei, timide et studieux, Haruo, le faux dur aux cheveux prématurément blancs, la jolie Megumu, Jun le petit morveux chevelu, l’étrange Tarô… tous ont en commun d’être de ces « enfants des étoiles », orphelins ou délaissés par leurs parents et placés dans un foyer où, sous la bienveillante surveillance des adultes, ils s’efforcent encore de vivre, de grandir et d’être heureux, malgré toutes leurs trop précoces blessures. Si, de son propre aveu, l’auteur lui-même tenait plutôt du calme Sei, il a certainement mis un peu de lui dans chacun de ses personnages, tant il met de tendresse et de pudeur à les raconter au quotidien, sans effets superflus, sans larmoiements mais avec toute l’intelligence du récit dont on le sait capable et qui en fait l’équivalent – cela n’engage que nous – d’un Carlos Sampayo (Alack Sinner, Le Bar à Joe, avec José Muño.) Bref, si d’aventure il restait encore sous une pierre l’un ou l’autre de ces esprits chagrins pour prétendre que les mangas sont plus cons qu’eux, la simple lecture d’une dizaine de ces pages lumineuses devrait suffire à les réduire en cendres…
Yann Fastier