Peu de guerres ont attiré autant de combattants volontaires étrangers que celles – encore en cours – d’Irak Peu de guerres ont attiré autant de combattants volontaires étrangers que celles – encore en cours – d’Irak et de Syrie. et de Syrie.

 

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Certes, le phénomène n’est pas nouveau, depuis la guerre d’indépendance grecque qui fit émerger la silhouette romantique d’un Lord Byron jusqu’aux plus récentes guerres d’ex-Yougoslavie, sans parler, bien entendu, de la guerre civile espagnole où les Brigades internationales jouèrent la partie que l’on sait. Il prend toutefois une nouvelle vigueur en Syrie où se rencontrent des passions si contraires que le conflit prend valeur de symbole, comme jamais, sans doute, depuis la Seconde guerre mondiale. Les attentats de Paris et de Bruxelles ont largement mis en lumière le mode de recrutement de Daesh, fruit d’une redoutable machine propagandiste propre à lui fournir l’armée d’égorgeurs et de kamikazes nécessaire à ses exactions. En revanche, on sait moins qu’il est d’autres combattants qui, à l’inverse, ont fait le choix d’affronter les djihadistes en rejoignant la résistance kurde et de soutenir la révolution en cours au Rojava.

André Hébert est l’un d’eux. Jeune Français militant d’extrême gauche, il décide un beau jour de mettre ses actes en conformité avec ses idées en rejoignant les YPG, bras armé de la résistance kurde à Daesh, ceux-là mêmes dont le courage insensé aura permis à des milliers de Yézidis du Sinjar irakien d’échapper aux massacres et à l’esclavage, ceux-là mêmes dont la téméraire obstination aura stoppé les islamistes à Kobanê, mettant un frein à une expansion qui semblait jusqu’alors irrésistible.

Il n’arrive pourtant pas après la bataille : Daesh est alors loin d’être défait et l’engagement des volontaires étrangers n’est pas un engagement pour rire. Sitôt achevée une rapide formation au maniement des armes, il n’aura de cesse de se retrouver en première ligne, aux côtés des Kurdes et des Arabes des Forces Démocratiques Syriennes qui, avec le soutien des aviations occidentales, mènent l’essentiel du combat. Il expérimente alors la guerre dans ce qu’elle a de plus sale, de plus épuisant mais aussi de plus exaltant, lorsqu’il s’agit de se battre pour une juste cause.

Celle du Rojava l’est-elle ? A lire ce témoignage et bien d’autres, on serait fortement tenté de le croire. Qui ne serait séduit par un tel projet libertaire, à la fois laïque, écologique et féministe ?  Il vaudrait donc la peine de mourir pour le Rojava, comme autrefois pour Madrid ou Barcelone. Et ils seront nombreux à mourir, parmi ces filles et ces garçons que rien n’obligeait à se mêler d’un conflit qui ne les concernait en rien. André Hébert les évoque avec émotion, ces camarades tombés face à l’ennemi, que l’on sait condamnés sitôt qu’il donne leur vrai nom dans le cours de son récit. S’il est parmi eux quelques têtes brûlées venus pour la pose ou pour « casser de l’islamiste » et même quelques fous authentiques, la plupart se révéleront des combattants courageux et dévoués, quitte à se voir mettre au ban dans leur propre pays. André Hébert lui-même en fit les frais, entre ses deux séjours en Syrie, qui se vit confisquer ses papiers par la DGSI en tant que « terroriste potentiel » quand les forces spéciales françaises sont encore très officiellement présentes au Rojava pour entraîner soutenir les YPG !

Il s’agit donc de bien choisir son camp. Tous les engagements ne se valent pas, loin de là. André Hébert et d’autres l’ont choisi et cette expérience orientera certainement leur vie entière – cette même vie qui nous paraît soudain si tristement petite à côté – au point que l’auteur, avec lucidité, avoue qu’il ne saurait y avoir d’adieu aux armes et que « beaucoup (…) retourneront lutter, à un moment ou à un autre, au Kurdistan ou ailleurs, pour continuer le combat (…) commencé au Rojava ».

Yann Fastier