Perlette avait donc une grande sœur.
Ou même, allez savoir, peut-être cette goutte est-elle Perlette en personne, tant ces petites choses ont la peau dure.
On en jugera d’après ce court texte qui voit une gouttelette, née « d’un violent coup de tonnerre qui combina les deux gaz » dont elle est formée, passer d’un état à l’autre en suivant tous les chemins possibles et imaginables : vapeur en suspension, elle devient neige avant de s’écouler en cascade et de nourrir un chêne, s’évapore et se condense d’alambic en moulin à poudre et d’aquarelle en encrier pour s’enfoncer ensuite au plus profond de la terre avant de rebondir jusqu’à la stratosphère, d’où elle retombe en grêle, « douée d’une quasi éternité, et condamnée à vagabonder sur la terre et remonter sans cesse dans l’espace pour en être précipitée sans cesse, jusqu’à ce que, retrouvant mon expansion première, je me perdisse dans l’éther où flottent les mondes ! »
A force d’être ainsi secoué, on ne sortira pas de ces quelques pages sans un léger vertige. Encore nous épargnent-elles le bain de siège et la chasse d’eau, peu courante en 1864, lorsque Zulma Carraud les fit paraître à l’usage des enfants qu’elle instruisait en dilettante, entre deux visites de son vieil ami Balzac en son château de Frapesle, près Issoudun. Elles ont en tout cas un mérite certain : celui d’associer sans façons le cosmique et le trivial, le diablement petit à l’infiniment grand, une façon très simple et frappante de pointer à la bonne franquette l’unité fondamentale du monde et de la matière.
Si la vocation pédagogique de ce concentré d’odyssée ne fait aucun doute, on aurait tort, cependant, de l’y réduire. Par l’ampleur de sa vision, jointe à sa concision même, il atteint une forme de poésie documentaire que n’eût pas désavouée Raymond Queneau et qui a toute sa place dans les toujours surprenants « Cahiers de curiosités » de Marguerite Waknine, (ce cauchemar du bibliothécaire.)
Yann Fastier