Vive la télé !

 

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Quel rapport, êtes-vous en train de vous demander, entre ce classique de la littérature américaine et l’écran plat scintillant qui trône dans votre salon ? Les bibliothécaires de la BDP de la Haute-Vienne auraient-ils perdu tout sens commun à proférer pareille ineptie ? Que nenni. Il suffit parfois d’un bon programme pour donner aux spectateurs l’envie de lire. C’est le sort enviable qu’a connu Le roi en jaune après la diffusion de la série déjà culte, True Detective, créée par Nic Pizzolatto et produite par HBO évidemment, dont l’engouement populaire a conduit à la réédition récente du texte envoûtant de Chambers.

Etranges, lugubres à souhait, troublantes, les dix nouvelles qui constituent le recueil le sont assurément et ne sont pas sans rappeler Poe ou Wilde. Publiées pour la première fois en 1895 et rédigées dans un style délicieusement classique, elles mettent en scène des archétypes de personnages que l’on retrouve au fil des pages : étudiant en art désoeuvré qui s’ennuie, camarades qui entraînent ce dernier dans des lieux peu fréquentables, rencontre avec une jeune fille délicate et si pâle qu’on la croirait morte... Et toujours, comme fil rouge à l’ensemble de l’œuvre, un livre maudit, une pièce de théâtre plus précisément, intitulée Le roi en jaune, qu’aucun être humain ne devrait lire s’il tient à sa santé, tant mentale que physique, et que l’un des personnages s’empresse de dévorer… Le thème du livre maudit est devenu un grand classique de la littérature fantastique et du cinéma d’épouvante. Quand on explique aux protagonistes éméchés d’une soirée lycéenne qu’il ne faut pas qu’ils lisent une seule ligne d’un vieux bouquin poussiéreux, le plus téméraire de la bande se précipite toujours pour feuilleter le grimoire. Ça marche à tous les coups. Eh bien, Le roi en jaune est l’une des origines de ce mythe imparable. Il a inspiré Lovecraft et son Necronomicon, entre autres. Les amateurs de fantastique y trouveront leur compte : mixture qui transforme en marbre les êtres vivants, portrait peint qui se gangrène, esprits maléfiques, libérés qui font sombrer les personnages dans une folie autodestructrice…les apparitions cauchemardesques font irruption dans le réel avec une force terriblement efficace et sont d’une beauté violemment gothique. Quant aux adorateurs de True Detective, ils y dénicheront des clés pour comprendre les références cachées dans la série et plongeront avec délectation dans l’univers dérangeant de Carcosa.

Marianne Peyronnet