Les Carpenter ont déjà perdu deux enfants quand ils posent leurs valises dans l’Ohio, d’où la mère est originaire.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Ni plus ni moins rejetés là qu’ailleurs. Betty s’accommode de l’endroit entourée des siens que les voisins trouvent atypiques. Le père est un indien cherokee, et dans la fratrie, Betty est la seule à avoir hérité de sa peau mate et de ses yeux noirs, tandis que ses cinq frères et sœurs ont pris la blondeur maternelle. C’est peut-être pour cela qu’il lui rapporte les légendes de son peuple, quand il ne les invente pas pour elle. C’est un conteur extraordinaire qui fait naître des rêves chez la petite métisse, des ailleurs, des possibles. Lui fait sentir qu’elle est précieuse, unique, qu’elle porte en elle son propre destin. Alors, tant pis si ses camarades, à l’école, la méprisent et insultent sa couleur de peau. Tant pis si elle est pauvre puisqu’elle a ses histoires. Tant pis si elle née fille quand c’est plus facile d’avoir un avenir quand on est un garçon.

Etre un bon père n’empêche pas les drames. Au racisme ordinaire dont il est la première victime, à la méchanceté crasse, aux accidents s’ajoutent les horreurs tues contre lesquelles il ne peut rien, passées ou présentes, celles qui viennent du dedans, de la famille.

C’est Betty qui raconte. C’est Tiffany McDaniel qui s’empare de l’histoire de sa mère pour en faire un récit, à la première personne, qui la transcende. Elle a trouvé la voix, la justesse exacte, pour raconter l’enfance et le passage à l’âge adulte, pour exprimer ce qu’est être une fille, pour dire l’amour.

Car si de deuils et de tragédies il est beaucoup question dans Betty, c’est surtout un roman d’amour. S’il y a dans ses pages des passages d’une dureté extrême, ils sont contrebalancés par un élan de vie plus grand que la douleur, et portés par une écriture flamboyante qui fait naître des images d’une poésie céleste et des envies de pleurer devant une telle beauté.

Le père fait de la réalité des mythes. Il se passionne pour les plantes, les animaux, il fabrique des potions, des arcs en ciel, des bijoux, des sculptures qu’il offre à ses enfants. Il aime chacun d’entre eux, avec leurs personnalités marquées et sensiblement dépeintes, sans les juger, nous poussant à les chérir à égal degré, à travers ses yeux et ceux de Betty. Ils les pensent beaux, donc ils le sont et ceux qui disparaissent le restent pour toujours.

Betty est un roman d’amour de l’auteure à sa mère, un hommage émouvant à l’amour conjugal et fraternel, une évocation bouleversante d’une civilisation qui serait perdue sans des pères fantastiques, et l’on se prend à craindre qu’un film soit tiré de l’œuvre qui viendrait pervertir les images personnelles que l’on s’est créées de la petite indienne.

Marianne Peyronnet