Agatha est la riche héritière d’un père russe gangster qui lui a laissé sa fortune et des immeubles dans Soho, dont les loyers ne lui rapportent pas assez.

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Si elle pouvait faire expulser les êtres miteux qui peuplent ces trous à rats, elle remplacerait ces taudis par des hôtels de luxe et consoliderait son capital. Mais voilà, parmi ses locataires, il y a Precious et sa bande, prostituées de leur état, bien décidées à demeurer en ces lieux.

Gentrification à vive allure, éloignement forcé des rebuts d’une civilisation qui ne supporte pas la mixité sociale, centres villes aseptisés réservés aux nantis, aux bobos, où les chaînes de restauration à la mode remplacent les pubs, les thèmes abordés dans son deuxième roman par Fiona Mozley traitent d’un phénomène qui touche toutes les grandes villes de notre belle modernité. Soho, quartier populaire de Londres en passe de devenir un ghetto pour petits bourgeois, prend ici des allures d’allégorie et nombre des personnages de l’auteure se donnent des airs de symboles. SDF, alcolos, putains forment une galerie de réfractaires à ce mouvement urbain qui semble inéluctable, refusent d’accepter que leur quartier perde son âme et s’allient dans la lutte.

En opposant deux visages féminins incarnés mais proches de figures de contes, Agatha contre Precious, le combat gagne en efficacité. Tandis que la première est prête à toutes les exactions pour arriver à ses fins, Precious et ses amies, qui ont choisi librement d’exercer leur profession, sont finalement celles qui représentent l’honnêteté, la moralité, l’altruisme.

Sauvé d’un propos trop simpliste par une description fine et réaliste des mœurs des habitants de ce Soho, faisant de Dernière nuit un roman frisant le naturalisme, le récit est porté par des dialogues qui sonnent juste, souvent drôles, forçant notre empathie envers ces êtres cabossés, farfelus, inventifs. Victimes consentantes, on se laisse volontairement guider dans le labyrinthe des ruelles hantées de personnalités hautes en couleurs, notre regard ravi tourné vers les bas-fonds plutôt que vers les gratte-ciel.

Marianne Peyronnet