Août 1958, Ava Gardner s’ennuie sur le tournage de La maja nue d’Henry Koster, une biographie de Goya où elle joue la duchesse d’Albe, son modèle favori.

 

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Désœuvrée, esseulée, Ava Gardner multiplie les sorties nocturnes passablement alcoolisées et, lassée de son idylle du moment avec son partenaire dans le film, elle part un soir en virée avec Giuseppe Rotunno, un grand chef opérateur qu’elle admire, timide, marié et rangé, qui n’a rien demandé mais qui, vouant un culte à la diva, accède à ses moindres désirs. Commence alors une folle soirée dans Rome qui va se terminer dans l’appartement du chef opérateur, où Ava, probablement excédée de l’attention malsaine et hypocrite que lui portent journalistes et producteurs, décide par défi de demander à Giuseppe de réaliser une série de photos où elle reprend les poses classiques de quelques grands nus de la peinture classique, dont l’Origine du monde, le tableau scandaleux de Courbet.

Le lendemain, dégrisée et migraineuse, elle réalise quand même combien ces clichés sont explosifs, confisque l’objet du délit avant de détruire les négatifs et d’envoyer les photos à quelques personnes choisies, par défi. Et ces photos deviennent une légende, un folklore autour de l’actrice, dont tout le monde doute plus ou moins de la véracité.

Jacques Pierre, le narrateur, découvre par hasard cette histoire dans un article et délaisse peu à peu son travail pour enquêter sur ces photos et démêler le vrai du faux. Cette quête va l’amener à suivre les traces de son idole à travers le temps et l’espace, à Rome, Naples, Madrid, Londres, Charlotte, Raleigh, Smithfield, mais aussi à Chalonnes sur Loire ou Arcis, où se mêlent l’enfance du Narrateur, l’histoire de l’Origine du monde, et la vie d’Ava.

C’est à partir de ce postulat que Thierry Froger nous emmène à l’intérieur d’un objet littéraire qui tient à la fois de la biographie, de l’enquête policière, du traité d’histoire de l’art et du thriller haletant, où l’on croise Howard Hugues, Edgar Hoover, Frank Sinatra ou Fidel Castro, un pan de l’histoire de l’Amérique donc -- avec une mention spéciale pour la savoureuse rencontre avec Marilyn -- et où réalité, légende et fantasmes se mélangeant, on découvre une Ava Gardner lucide, qui sait à quel point la beauté est une illusion passagère, et qui l’utilise comme un outil pour arriver à ses fins : gagner assez d’argent pour se retirer du milieu du cinéma, pour lequel elle n’éprouve que le mépris que celui-ci lui a largement prodigué.

Un beau personnage en clair-obscur, dégrisé des lumières et du faste, cynique parfois, et bien loin du cliché de « plus bel animal du monde ».

Lionel Bussière