La filière dalmate est en plein boum.

 

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Après Ante Tomić (Qu’est-ce qu’un homme sans moustache ?, Miracle à la Combe aux Aspics…), les éditions Noir sur blanc, jetant de nouveau leurs filets dans les eaux bleues de l’Adriatique, en ramènent un drôle de poisson – encore un, pourrait-on dire, tant on est tenté de comparer l’un à l’autre. Certes, l’air de famille est indéniable : une même truculence volontiers scatologique, une même façon de camper les personnages à la bonne franquette autour de quelques spécialités locales, entre foot et bonnes bouteilles… On ne saurait toutefois les confondre : quand le premier donne dans la pétarade balkanique à la Kusturica, Zoran Ferić (né à Zagreb en 1961) donne ici un polar, un vrai puisque, comme tout vrai polar, il parle en réalité de tout autre chose que de l’enquête en cours, autour du cadavre étrangement déchiqueté d’une jeune transsexuelle roumaine. De quoi parle-t-il ? De la jeunesse, essentiellement, du temps qui passe et d’un passé yougoslave qui ne passe pas, sur fond de guerre avec les Serbes. De la fidélité, aussi, des amours de jeunesse, quand le narrateur, médecin légiste ayant depuis longtemps quitté son île, y revient à l’occasion de l’enterrement de la fillette d’un ami, morte prématurément d’une leucémie foudroyante. Les mystères s’accumulent, l’intrigue se complique à l’envi sans qu’on s’en préoccupe outre-mesure, pris entre passé et présent dans la langueur de la vie insulaire. Le mystère monte peu à peu, comme une marée et, peu à peu, s’effiloche en une sorte de thriller nonchalant, où la nostalgie remplacerait l’urgence. C’est un peu la limite de ce roman d’une lecture par ailleurs agréable que de se donner des airs d’honnête série noire pour, au final, se dérober au côté « bêtement » policier de l’affaire, au profit d’une suspension morale qui laissera peut-être le lecteur sur sa faim.

Yann Fastier