Le sumo restera toujours une énigme pour nous autres amateurs de pétanque et de savate.
Comment se passionne-t-on pour ces combats d’éléphants de mer qui, au surplus, ne durent qu’une poignée de secondes ? Et pourtant, le sport préféré de Jacques Chirac fait l’objet d’une véritable culte au Japon, où les champions de sumo font partie des stars les plus populaires. Mais, surtout, comment devient-on sumo ? Comment, même, peut-on avoir envie d’en faire ? Comment, à peine adolescent, peut-on vouloir devenir l’une de ces montagnes de chair et consacrer sa vie à pousser d’autres montagnes hors d’un cercle de paille ? C’est ce qu’a toujours l’air de se demander le jeune Takuya, 18 ans, poussé par son père à se mettre au sumo à la sortie du lycée, après 11 ans de judo. Bon gré mal gré, il intègre donc une écurie où nous le verrons, dans une ambiance de chambrée, cohabiter avec ses aînés, dont l’ancienneté se mesure semble-t-il au tour de taille. Nous le verrons à l’entraînement, épuisant, éreintant, autant que les monstrueux repas auquel il s’astreint s’il veut un jour atteindre le gabarit d’adversaires fort en avance sur lui de ce point de vue (certain ayant commencé à se gaver dès l’école primaire). Nous le verrons encore, et l’entendrons, confier ses doutes à sa sœur aînée, jamais à son père qui lui a nettement fait comprendre qu’il était inutile de revenir en cas d’échec. À sa place, on aurait fui depuis longtemps et ce qu’il finira par faire, se réfugiant chez un copain, du moins le croira-t-on avant d’être détrompé par l’un des bonus du dvd, qui le voit revenir un peu piteux au bout de quelques jours, réintégrer l’équipe et, cinq ans plus tard, méconnaissable, éjecter proprement son adversaire de l’arène.
De facture très classique, ce documentaire permet surtout d’approcher au plus près le quotidien d’une écurie de sumo. Il ne nous apprend rien, en revanche, sur l’histoire ou les règles complexes de ce sport ancestral. Pour cela, outre Wikipedia, on se reportera à la très belle Sumographie de David Prudhomme et Sonia Déchamps, où le dessinateur de Ninon secrète et de Rebetiko, multipliant les styles et les approches, se lâche en de somptueuses illustrations, révélatrice de l’étrange grâce que peuvent mettre deux tas de bidoche à se jeter l’un sur l’autre.
Yann Fastier