Quoi ? La Suisse ne serait pas ce havre de tranquillité bourgeoise que nous vantaient les guides ?

 

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Elle ne serait pas cette belle endormie dont Henri Calet rêvait jadis, un brin moqueur ? À vrai dire on s’en doutait un peu depuis Jean Ziegler mais ce qu’on ne savait pas, en revanche, c’est que le Jura connut dans les années 60-70 un fort mouvement autonomiste autour du Rassemblement jurassien et du groupe Bélier. Incendies, attaques à l’explosif, occupations d’ambassades… ces jeunes gens n’avaient rien à envier aux « natios » basques, corses ou bretons qui secouaient alors la République voisine et il fallut rien moins que la création d’un nouveau canton en 1979 pour apaiser un peu les choses. C’est dans ce contexte agité que Daniel de Roulet situe son nouveau livre, vrai faux roman explorant les zones d’ombre de l’assassinat en 1977 de Hanns-Martin Schleyer, « patron des patrons » ouest-allemands et ex-nazi patenté. « Le train du réel ne passe qu’une fois. Tout le reste il faut le confier à la littérature » puisqu’« il ne reste que le roman pour questionner la vérité » dit-il en manière de manifeste : aussi ne craint-il pas de ressusciter un mort pour confier l’enquête au grand journaliste que fut Niklaus Meienberg avant son suicide en 1993. Fouille-merde à la plume redoutée des puissants, ce dernier fait un Enquêteur plus vrai que nature avec sa carrure et sa barbe d’ogre, ses cigares et sa grosse moto. Manière aussi de le venger, lui qui fut certainement victime d’un Pouvoir que sa discrétion n’a jamais rendu moins impitoyable. Depuis son dernier ouvrage, on savait que Daniel de Roulet avait « la Suisse de travers ». L’auteur des Dix petites anarchistes règle ici quelques vieux comptes dont l’enjeu, certes, échappera peut-être au non-Helvète, mais la vérité, n’en déplaise à Pascal, ne connaît pas de frontières et « [s]ans vérité il n’y a pas de justice et sans justice, la réconciliation des protagonistes est impossible. »

Yann Fastier