Marc Namblard est un chasseur, mais un chasseur sans fusil et c’est armé de ses seuls micros qu’il traque oiseaux et mammifères,

 

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insectes et, généralement, tous ces bruits que la nature, quand on lui laisse la parole, nous déverse dans l’oreille avec la générosité qu’on lui connaît. Graves, stridents, ténus ou tonitruants, mystérieux, effrayants parfois, amusants même, ils composent la bande-son originale de cette belle planète que nous cherchons si obstinément à faire taire. Marc Namblard, lui, est à l’écoute. Chasseur de sons, il se tait le plus souvent, bouge peu et jamais sans précautions, attentif à ne pas déranger les hôtes de ces bois, si prompts à se réfugier dans un silence prudent. Atavisme ou déformation professionnelle ? Ce calme semble imprégner toute sa façon d’être, que ce soit avec ses enfants, lorsqu’il intervient dans une classe ou reçoit des artistes en quête de sons neufs. L’un d’eux n’est autre que Christian Zanési, pilier du GRM et musicien « concret », donc, avec lequel Marc Namblard entame un compagnonnage le temps d’une pièce présentée au festival Musique Action de Vandoeuvre-lès-Nancy. Le temps, pour nous, d’apprécier la différence entre le son brut, « naturel » et le son transformé, en quelque sorte sublimé par l’art du compositeur. L’un n’exclut pas l’autre, au contraire : il n’en est que le prolongement, tout comme la vocation de Marc Namblard et de son frère Olivier, lui aussi preneur de son, semble née de l’intérêt de leur propre père pour les magnétophones, dont un exemplaire branché traînait toujours dans les parages de leur enfance, de manière à leur constituer des archives sonores dont bien peu de familles peuvent se targuer. Témoignage émouvant que ces voix d’enfants, que sa propre fille, à son tour, écoute avec le léger vertige qu’on éprouve toujours à remonter le temps. Et l’on se prend à l’envier, un peu, d’avoir entendu le brame du cerf à neuf ans, le son inouï d’un lac gelé ou l’étonnant sifflet d’un troglodyte de Guyane (on jurerait celui d’un promeneur insouciant au beau milieu de la jungle), quand nous n’avions pour notre part que Maritie et Gilbert Carpentier pour nous éduquer la membrane.

Très classique dans sa forme, ce documentaire s’efface avec bonheur derrière son sujet, suffisamment neuf et fascinant pour permettre aux réalisateurs de rester en retrait. Pas au point de conseiller au spectateur de fermer les yeux pour mieux écouter mais bon, chacun fera ce qu’il voudra.

Yann Fastier