La laisser filer et l’encercler plus tard, plus loin.
Ensuite s’amuser, et que chacun y trouve son plaisir avant d’à nouveau disparaître dans la nuit. »
Tronçon de la N5, au sud de Charleroi. Dans le coin, il y avait des industries, avant. Il n’y a plus rien, que de la forêt. Alors, pour tuer le temps, se prouver qu’ils existent, mesurer leur virilité, Mike, Jeff, Jimmy, Lucky Strike ont pris l’asphalte pour terrain de jeu. La nuit, entre pétards et packs de bière, parfois la chance leur sourit. Les phares d’une voiture percent les ténèbres, au volant une demoiselle. La chasse peut commencer.
Roman court tout en tensions, Rodéo diffuse son adrénaline jusqu’à la scène paroxystique qui fait basculer le récit dans l’horreur. Les phrases, sèches, collent au rythme des voitures lancées pied au plancher. Le vocabulaire, limité pour s’accorder aux pensées des protagonistes mâles se fait plus ample quand Joy apparaît dans l’histoire. Elle est l’inverse de ces types croisés sur ce chemin. Belle, ambitieuse, elle va réussir à s’extirper de sa condition, de ce trou paumé quand eux ont pour seul horizon un bout de bitume. Elle est frondeuse quand une femme doit baisser les yeux, se soumettre à leurs désirs. Elle est la victime désignée qui va les venger de leurs frustrations.
Aïko Solovkine excelle dans la description de ces deux mondes antagonistes qui ont pour seule interaction l’affrontement. Violence entre classes, entre sexes, le constat est amer, le propos dérangeant, le roman, terrible, glaçant de désespoir, noir comme une route sans phare.
Marianne Peyronnet