Dans la réserve indienne des Anichinabés, située au nord du Canada, on s’y connaît en survie.

 

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La lune de l’âpre neige, ainsi qu’est joliment nommé le pic de l’hiver, approche. Evan Whitesky, dans le respect des coutumes ancestrales, fait une offrande à l’orignal qu’il vient de tuer, dont la viande alimentera les réserves. L’équilibre entre modernité et tradition est atteint dans la communauté. On ne prélève de la nature que ce dont on a besoin, et on profite du confort apporté par la centrale hydroélectrique. Quand la télé, puis les ordinateurs montrent des défaillances, personne ne s’inquiète, au début. Quand la panne électrique s’avère générale et semble durer, la panique s’installe. Il n’y aura pas assez d’essence pour alimenter les vieux générateurs durant toute la mauvaise saison. Malgré les stocks de vivres distribués aux habitants, les restrictions les conduisent pourtant à dévaliser le supermarché. Quand des jeunes étudiants reviennent du sud et leur apprennent que le chaos s’est étendu partout, l’angoisse que la nouvelle génère menace la stabilité du groupe.

Waubgeshig Rice examine les thèmes chers aux romans apocalyptiques, genre désormais à part entière dans le paysage éditorial mondial. Il le fait de belle façon, sans prétention, utilisant les ressorts de la littérature populaire pour mener à bien son intrigue : personnages attachants ou inquiétants, isolement, montée graduelle de la tension, éléments qui ne sont pas sans rappeler l’art d’un Stephen King. Les péripéties qui permettent à la situation d’évoluer et révèlent les caractères des membres de la communauté sont distillées intelligemment et donnent envie de connaître la suite. L’auteur va néanmoins plus loin que le simple récit d’une tragédie annoncée par une crise et où le seul intérêt serait de savoir lequel des protagonistes, plus intelligent, plus brave ou plus gentil que les autres va s’en sortir.

La lune de l’âpre neige se révèle à la fois pré et post-apo et se permet, sous ses airs modestes, une réflexion sur le passé et l’avenir des communautés autochtones du Canada, où les populations ont été déplacées vers des territoires glaciaux, stériles qui n’intéressaient pas les colons, quand ces derniers n’ont pas tenté d’anéantir la culture indienne par une assimilation forcée. Exotique dans sa géographie, exposant les difficultés d’un peuple loin de nous, le roman questionne pourtant les fondements de l’humanité, souligne en creux ce qui rapproche les êtres humains (la compassion, la solidarité, l’amour), et oppose le respect de la nature, l’écologie aux dérives et aux gaspillages des sociétés « développées » contemporaines.

Marianne Peyronnet