Documentaire ou fiction ?

 

Sécurité. Pour accéder au portail de votre bibliothèque, merci de confirmer que vous n'êtes pas un robot en cliquant ici.

Au début, on hésite un peu, devant la crudité de certaines scènes, sous l’œil d’une caméra qui refuse tout détachement « objectiviste » pour mieux coller à l’humanité un rien poisseuse mais bien réelle des personnages. Après Stop the pounding heart, sur le passage à l’âge adulte d’une jeune fille issue d’une communauté fondamentaliste de la Bible Belt, Roberto Minervini poursuit son exploration du cœur profond de l’Amérique. C’est en Louisiane du Nord, l’une des régions les plus pauvres des Etats-Unis, qu’il part à la rencontre de Mark et Lisa, au sein d’une tribu de laissés pour compte, petits blancs déclassés, en marge de toute idée de réussite, alcooliques ou camés jusqu’aux yeux. Filmé au plus près de son intimité, avec une empathie qui rappelle le travail photographique de Nan Goldin et de Larry Clark, le couple se drogue ou fait l’amour sans honte ni forfanterie, et ne fait pas mystère de sa fragilité. Mark, en particulier, se révèle étonnant de douceur et d’attention, malgré la misère omniprésente et le manque total de perspective autre que la prison où, peut-être, il pourra se désintoxiquer et commencer une nouvelle vie. Le film s’arrête soudain et, sans transition ou presque, on revient au Texas où des vétérans des forces spéciales encadrent et entraînent une milice paramilitaire, dans un mélange de camaraderie virile et de paranoïa obsessionnelle. Quel rapport avec les précédents ? Le contraste est étonnant, d’autant que le réalisateur, cette fois-ci, reste à distance. Peut-être le point de convergence est-il dans le regard que chacune de ces communautés porte sur elle-même, dans cette façon de ne rien attendre d’un « système » par lequel elles se sentent à la fois trahies et flouées. La différence, cependant, est sans appel : desperados rêveurs, les premiers n’ont rien, ne veulent rien. Les seconds ont des armes –beaucoup - et comptent bien s’en servir un jour.

Yann Fastier