Hennes, un jeune vidéaste berlinois autoproclamé « documentariste free-lance », est engagé par un vieil écrivain pour tourner un documentaire sur l’artiste Wolfgang Laib.

 

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Sans plus d’explications mais tous frais payés, Hennes quitte Berlin pour la Souabe où, jour après jour, armé de sa caméra, il rôde aux alentours de la maison de l’artiste, fasciné jusqu’au vertige. Jusqu’à la chute.

L’argument n’est pas plus mauvais qu’un autre. Adrien Blouët (né en 1992) en tire un premier roman qui séduit avant tout par sa justesse d’évocation. Sans se croire obligé d’en faire des tonnes, il parvient avec bonheur à mettre en mots cette demi-campagne à la fois désolée et désolante dont le jeune homme a peine à croire qu’elle puisse servir de terrain de jeu à un artiste – par ailleurs bien réel – connu pour ses installations à partir de pollen, patiemment récolté à la main dans les prés et les forêts des alentours. Laib, dont « (…) à voir ses photos on pouvait penser qu’il ne vivait qu’en été » reste le grand absent du roman, loin de toute exofiction à la mode, un prétexte, une malice faite au réel de la part d’un auteur qui ne dédaigne pas l’ironie. Vis à vis de lui-même, tout d’abord : n’est-il pas issu des Beaux-Arts, comme son héros, dont il souligne le caractère velléitaire mêlé de suffisance ? Vis-à-vis de la littérature elle-même, ensuite, via la figure de l’écrivain Cornelius Düler, sous-Pynchon en voie d’effacement définitif dont le Grand Œuvre, miss june ‘76, s’achève apparemment dans la même eau de boudin que L’absence de ciel. Tant d’insignifiante invraisemblance après avoir été si vraisemblable : c’est bien le seul reproche que l’on pourrait faire à ce livre. Curieusement, on ne le lui fera pas. Soit qu’on choisisse d’y voir une pirouette de l’auteur, par ailleurs impressionnant de maîtrise, quant aux puissances respectives du réel et de la fiction, soit qu’un premier roman d’une telle qualité d’écriture mérite toute notre indulgence.

Yann Fastier