Lily Chao est une redécouverte.
Chanteuse chinoise, elle a sévi dans les années 60 (elle est née à Taiwan en 1948) et, avec elle, se clôt probablement l’ère des stars glamours façon Shangaï-cliché à la Steinberg dont Anna Mae Wong était l’incarnation hollywoodienne dans les années 30. En effet, quand elle démarre sa carrière, c’est vraiment une « jeunette » qui arrive après les stars déjà en place comme la grande Li Xiang Lan ou encore la Billie Holiday orientale qu’était Hong Bai. Elle, son genre est ailleurs et elle va d’emblée s’affirmer dans une pop rock’n’roll incroyable plaquée directement sur la musique des pionnières américaines que sont Wanda Jackson ou encore Brenda Lee. A l’écoute, ces influences se sentent dans le phrasé chaloupé et syncopé tout à la fois de la demoiselle. A cela on rajoute un son de folie, une orchestration de dingue avec cuivres, claviers et des guitares surfs parfois lancinantes, parfois sauvages qui contrastent plaisamment avec le timbre acidulé de la belle. Le résultat est d’une fluidité et d’une poésie saisissantes… C’est beau à pleurer, de la pure soul déchirante et enragée à l’image du désespoir qui animait Lily qui se battait plus pour survivre que pour exister en tant qu’artiste. Et pourtant, la reine incontestée, c’est bien elle. Impériale, elle a créé un mélange unique et détonnant, un cocktail de dingue où les beats façon Jamaïque s’entrechoquent avec la musique garage et le folk mandarin, bref une sorte d’exotico-rock immortel qui laisse pantois d’admiration… Merci mille fois à Akuphone, ce micro label français qui, à l’instar de dizaines d’autres, fait bien plus pour la musique que tous ceux qui ont « pignon sur rue » et se targuent d’être des spécialistes de l’histoire de la musique en ne proposant que du réchauffé. Le vrai travail d’archéologue, ce sont les micro-labels qui s’y emploient et leur démarche ravira certainement tous les déviants amateurs de pépites sonores et autres curieux fascinés par la musique urbaine et suburbaine dont les impressions musicales ne sont gravées que dans le microsillon…
Cécile Corsi