« A Paris, il ne se passait plus rien et l’on rêvait de Londres ».

 

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« A Londres, il ne se passait plus rien et l’on rêvait de New-York. A New York, il ne se passait plus rien et l’on rêvait de Berlin. A Berlin, il ne se passait plus rien. »

1978. Paris. Quartiers friqués. Les 70’s marquent le pas, entraînant dans leur agonie les illusions d’un monde meilleur. Déjà, les 80’s s’annoncent, qui emporteront avec elles tout idée d’utopie, feront du matérialisme et de la superficialité les valeurs clés d’une décennie désespérante. Dans cet entre-deux temporel, certains inventent la fête et les excès comme unique but de l’existence, « avant que tout saute ». Philippe, le narrateur, a 19 ans. Il est déjà revenu de tout. Il fait partie des jeunes gens modernes. Son avenir s’inscrit au jour le jour, son emploi du temps se résume à la prochaine party, dans n’importe quel appart de bourge où il y aura assez d’alcool et de dope pour se défoncer, ou dans un club select tel le Gibus, le Palace ou le Rose Bonbon. Les filles sont belles, elles se font appeler Cassandre ou Deliciosa, elles prennent la pose et portent, comme lui, du cuir et du plastique rouge. L’argent est fait pour être dépensé, surtout quand il n’est pas à vous. Le fric est le sésame qui ouvre toutes les portes pourvu qu’on soit condescendant, chic et dandy. Décadent, flambeur et flamboyant, Philippe se déhanche au son des Stinky Toys, des B-52’s et d’Amanda Lear, chante dans le groupe New Wave Philippe et les Chics Types, baise sans lendemain et prétend écrire un roman. Son ennui est intersidéral, sa dépendances multiple, à la coke, à l’héro, au champagne. Oscar Wilde du 20ème, il médit avec panache, se fait ardemment casser la gueule. D’overdoses pathétiques en tentatives de sevrage répétées, il observe, cruel et lucide, le microcosme vain des nuits branchées parisiennes et sa propre vacuité : « Je me regardais vivre plus que je ne vivais, et j’employais mon sommeil à me regarder rêver. De moi, d’ailleurs. » Bourgeois bohème avant l’heure, parangon d’une génération dorée autant que vide, désenchantée comme dirait l’autre, désabusée pour le moins, Philippe est drôle, cynique, lucide à pleurer.

Pretty vacant. Le punk a glissé sur la capitale, le No Future s’est fait individualiste et snob.

L’époque est colorée et froide. Philippe cherche à inventer la modernité, en se brûlant les ailes en public.

La première édition Des chérubins électriques date de 1983. Son auteur, Guillaume Israel « Serp », 22 ans, y raconte, dans ce roman autobiographique, une jeunesse privilégiée en pleine déliquescence. Chanteur de Modern Guy, il a sorti un album deux ans plus tôt, Une nouvelle vie. Paroles en français, musique synthétique, romance métallique, le single « Electrique Sylvie », connut un bref succès. Philippe, son double littéraire pourrait certes agacer, s’il ne s’obstinait à s’autodétruire avec un acharnement méritoire, et si Serp n’y faisait preuve d’un talent exceptionnel d’écriture. Peinture naturaliste d’une période et d’un milieu, le roman a acquis son statut de roman culte. Le fait que Serp, nihiliste charismatique ait réussi à mourir d’une overdose d’alcool et de médicaments en 1987, à 27 ans, n’y est certainement pas pour rien.

Marianne Peyronnet