Les vieux punks ne sont pas tous morts et c’est heureux.
Faut dire que passé 27 ans, la mort ne semble plus aussi romantique et qu’on se dit, à juste titre, que crever est donné à tout le monde alors que survivre pas toujours. Alors, autant poursuivre sa route, le principal étant de ne jamais renier ses principes tout en continuant à emmerder le monde. C’est à quoi s’est astreint Kick, chanteur, guitariste, compositeur de Strychnine, groupe punk emblématique de Bordeaux. De ses souvenirs, il a fait un livre. Mais attention, pas un livre prétentieux, ni nostalgique. Kick ne se considère pas comme un survivant ou un héros, ou quelqu’un qui aurait des leçons à donner tirées de son expérience. Non, un livre sincère et drôle (ou pas), qui raconte avec des mots simples et justes le parcours d’un punk du siècle (passé).
Et il en a, des choses à raconter. Par exemple, comment, en étant né à Bègles, dans la banlieue bordelaise et affublé du prénom Christian, il a joué au célèbre festival de Mont-de-Marsan, en 77, avec Strychnine, son groupe formé depuis quelques mois seulement, en compagnie des Damned et des Clash. Il raconte encore les changements de backline et de femmes de sa vie, les tournées chaotiques, les vaches maigres, les succès et les doutes. Il raconte les gens, les roadies les tenanciers de bar louches, la dope, les copains qui disparaissent, les amitiés qui vacillent, les trahisons et ceux qui restent.
Le parcours a pris des virages en épingle, soumis aux aléas, à bien devoir bouffer. Paris, Noisy-Le-Sec, Bordeaux. Usine, tailler la vigne. Il a essuyé des tempêtes, des amours défuntes, des tournées à l’arrache, des productions et des pochettes foireuses. Kick se remémore des rencontres, celle avec Higelin, sa participation à Parabellum. Il parle de la paternité, du besoin de se mettre en retrait et de partir dans les Cévennes devenir bucheron. Avec toujours, la musique en guise de salut.
La France qu’il évoque est une France disparue. Celle d’un temps où tout était à faire, où il n’y avait pas de salle où cracher sa hargne, pas de studio où chanter ses mots. C’était la France d’avant les scènes conventionnées, la France de ceux qui ont jeté les bases, construit les fondations. C’était pas mieux, avant, mais c’est pas forcément mieux non plus maintenant.
Kick n’a jamais rien lâché et il n’a pas de regret. Après sept albums solo et trois avec Strychnine, il n’a plus rien à prouver. Mais toujours des choses à dire. Ce qu’il fait ici, fort bien, joyeusement.
Marianne Peyronnet