Ana excelle dans son domaine : tuer pour de l’argent.

 

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Très jeune, elle semblait avoir des dispositions particulières pour le job et son oncle n’a fait qu’encourager son talent inné. Il lui a permis de quitter le Brésil, l’a confiée aux meilleurs, à Cuba notamment. A 25 ans, elle a déjà un beau tableau de chasse à son actif et maîtrise les techniques les plus efficaces de mise à mort. Elle se sait demandée. Alors, rien ne presse. Elle peut prendre son temps pour étudier ses victimes, leurs habitudes, leurs phobies et s’en servir pour choisir la méthode la plus adaptée pour leur faire passer l’arme à gauche. Elle pousse la virtuosité jusqu’à maquiller ses meurtres en accidents. Quand un commanditaire passe commande pour la tête d’Orson Welles, elle commence par s’intéresser à l’œuvre du maître, qu’elle ne connaît pas, préambule indispensable pour infiltrer la vie du cinéaste.

L’action se déroule en 1985. Orson Welles va mourir dans quelques mois d’une crise cardiaque (officiellement, en tout cas) et la junte militaire brésilienne s’apprête à quitter le pouvoir. Ana livre par bribes des éléments de sa vie passée, souvenirs de son enfance sous la dictature, et les mêle à des anecdotes biographiques au sujet de sa proie. Elle entre dans l’existence de Welles, imposant, écrasant, devenant peu à peu pour elle une figure paternelle, se substituant à ce père ingénieur qui a mis son expérience au service des bourreaux brésiliens. Pour la première fois, elle se prend à hésiter à mener son travail à terme, d’autant qu’elle tombe amoureuse des films de l’artiste. Elle se perd à mesure qu’elle semble retrouver son humanité.

Alternant passé et présent, fiction et faits réels, l’auteur signe avec F (titre tiré de F for Fake, un film d’Orwell) un roman d’une rare finesse. Rio, Paris, Los Angeles, les 80’s sont le décor de la quête d’Ana, une quête qui passe du prosaïque (doit-elle faire chuter Orson dans un escalier ?) au profond (Qu’est-ce que l’art ? Qui est-elle ?). Singulier roman noir, intime et universel qui donne furieusement envie de revoir Citizen Kane et de réécouter New Order.

Marianne Peyronnet