Napoléon n’est pas mort. Enfin si, mais pas à Sainte Hélène.
Remplacé par un sosie, il s’en est évadé. Quelques tribulations plus tard, il rentre à Paris. Et ? Rien, ou presque. Il fait la connaissance d’une jolie marchande de primeurs et met tout son génie tactique à réussir dans le melon. Et que faire d’autre, à part mourir une seconde fois, quand les avatars de Napoléon s’entassent dans les asiles et que la Gloire, à force de vous attendre, a fini par s’impatienter ?
Unique roman du grand sinologue que fut Pierre Ryckmans, alias Simon Leys, plus connu pour Les habits neufs du président Mao, magistrale et radicale dénonciation de la soi-disant « révolution culturelle » en pleine maolâtrie et qui lui valut la haine de bien des intellectuels en place, La mort de Napoléon reste depuis sa parution, en 1986, comme l’un de ces coups d’essai qui sont des coups de maître. Enlevée comme une charge de hussards, d’une ironie tendre et un rien mélancolique telle qu’on n’en rencontrait plus trop depuis Xavier de Maistre, cette mort est surtout un petit chef d’œuvre de style, une leçon de littérature, sans afféteries ni prétentions, d’une concision bienfaisante quand tant de gros romans nous rejouent le grand air de l’aérophagie. Un gravillon certes, après le pavé dans la mare que fut Les habits neufs…, mais un gravillon de plus dans l’œil de Sollers. Et ça, ça fait toujours plaisir.
Yann Fastier