L’hiver est rude, cette année-là, dans cette campagne du Suffolk où faire vivre une ferme est de plus en plus difficile.

 

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Le fils et le père s’affrontent sur à peu près tout. Entre eux, la mort de Cecelia, la mère et l’épouse, assassinée en Zambie des années auparavant, lors d’une malheureuse tentative d’installation. Jeune homme en colère, Vale ne pardonne pas à son père d’avoir été la cause indirecte de ce meurtre, peut-être pour ne pas s’avouer la part involontaire que lui-même y a prise.

Chacun leur tour, ils racontent cette histoire à leur façon, rageuse et suicidaire pour Vale et pleine de désarroi pour Landyn qui, depuis la mort de sa femme, met un point d’honneur à secourir les animaux les plus faibles sans bien savoir comment s’y prendre avec son propre fils. « On n’est pas hanté par ce qui nous fait peur, mais par ce qu’on désire », fait dire Fiona Melrose à l’un de ses personnages. Si la culpabilité les ronge, ils n’en cherchent pas moins l’apaisement, sans pouvoir le nommer. Qui le leur apportera ? Tom, le « frère » infortuné de Vale, révélateur de ses démons, la jeune et lumineuse Beth ou bien Cecelia elle-même ? Depuis David Garnett, il semble d’usage en Angleterre de changer les femmes en renard. Elle-même d’origine sud-africaine, Fiona Melrose se plie aux usages locaux et charge une belle renarde solitaire de prendre soin de ces deux âmes en peine. Fantôme bienveillant et discret, elle n’intervient que par sa seule apparition aux moments opportuns du récit, lorsque décidément « devenus des versions insupportables (d’eux)-mêmes », ses hommes sont un peu trop près de se perdre. Ils ne se perdront pas : les hivers les plus longs finissent un jour sur la promesse d’un nouveau printemps, tout comme celui-ci s’achève sur celle d’une réconciliation.

Si le Suffolk produit des poires, nul doute qu’elles soient à l’image de ce premier roman très réussi : âpres au premier abord, suivi d’une note prolongée de grande douceur.

Yann Fastier