Qu’est-ce qu’un roman rock ? En quoi un album s’apparente-t-il à de la littérature ?
Rafael Panza est un journaliste musical, chroniqueur régulier du magazine New Noise. A la lecture de ce documentaire, il est clair que l’homme a des lettres et affectionne également la littérature. Il ne se contente pas d’écouter de la musique amplifiée ou de lire des livres sans image, il analyse les rapports entre les deux. Et il le fait avec un soin universitaire, lors d’une démonstration dense mais claire, pointue mais abordable.
Voici quelques éléments d’une thèse difficile à résumer dans une chronique.
I : Le rock dans la littérature ou Qu’est-ce qu’un roman rock ? L’étude de romans emblématiques, Human Punk de John King, High Fidelity de Nick Hornby, Teen Spirit de Virginie Despentes ou Rue des martyrs de Patrick Eudeline, pour ne citer qu’eux, dévoile plusieurs points communs :
- reprise de thèmes chers aux groupes de rock (la bande de potes et de musiciens, la critique de la société moderne, les addictions, le rêve d’un ailleurs),
- mise en lumière de motifs rock (le rockeur/antihéros, le rock comme religion),
- utilisation de morceaux rock comme moteur narratif (pour créer une ambiance, une émotion, coller à l’état d’esprit du héros),
- création d’un style (emploi d’un langage vraisemblable au service d’un tempo fait d’alternances de différents rythmes, le tout mâtiné d’humour noir).
II : la littérature dans le rock ou En quoi un morceau, un album s’apparente-t-il à de la littérature ? Dylan, par exemple, avec « Like a Rolling Stone », se réapproprie un ensemble de structures littéraires et esthétiques de la Beat generation :
- construction lexicale faite d’inversions et de métaphores,
- apparition de personnages étranges,
- mix de différents niveaux de langages.
Noir Désir, en développant, tel Rousseau, une mise en avant introspective et intime, en tendant au lyrisme par la musique, en citant dans ses paroles des auteurs tel Lautréamont, esthétise les poétiques romantiques comme le rejet de la société moderne, industrielle et capitaliste.
Pink Floyd et son concept album Animals, s’écarte de La ferme des animaux d’Orwell, jusqu’à créer une poétique originale, fondée sur des images sonores notamment.
Avec « Venus in Furs », adaptation de Léopold von Sacher-Masoch, Le Velvet Underground fait revivre musicalement les caractéristiques du livre (on entend le plaisir dans la douleur, le malaise) mais les déterritorialise en les réimplantant dans un autre mode d’expression, la chanson rock. Nous ne sommes plus dans l’imitation mais dans la production personnelle.
Fichtre ! De quoi briller dans les concerts en ville ! Rafael Panza s’attaque à un sujet plus ardu qu’il n’y paraît et réussit l’exploit de ne pas jamais perdre le lecteur. Didactique, il répète, reformule, explicite si besoin et étaye son propos de nombreuses définitions et citations.
Marianne Peyronnet