Faute notamment au renouvellement insuffisant du lectorat : la population vieillit,
les Japonais ne font plus d’enfants et, passé un certain âge, abandonnent la lecture de mangas. Aussi les éditeurs cherchent-ils d’arrache-pied la formule magique qui leur permettra de raccrocher les vieux en leur proposant des bandes dessinées adaptées à leurs centres d’intérêt, au point que l’on a pu parler de « silver manga ». Si toutes les tentatives de cette nature sont pour l’instant restées commercialement vaines, elles ont pu produire ici ou là de très jolies réussites, dont certaines en parfait décalage avec les idées reçues (BL métamorphose de Kaori Tsurutani).
Le vieil homme et son chat, certes plus classique, n’en est pas moins attachant, qui fait la chronique au quotidien du vieux Dai et de son chat Tama. Tous deux vivent sur une petite île de pêcheurs que retraités et félins, toutes espèces ennemies des voitures et de l’agitation, se partagent en bonne intelligence et à l’abri des grands drames. Instituteur à la retraite, veuf depuis peu, Dai se promène, se fait à manger, discute et se souvient. Et, surtout, il dialogue avec Tama, le gros chat roux, favori de feue son épouse, qui lui répond à sa manière de chat. Car la principale qualité de cette série humoristique, au graphisme simplifié, presque enfantin, c’est finalement son réalisme. Un réalisme certes bon enfant mais toujours d’une grande justesse quand il s’agit d’observer les rapports de ces deux-là. Malgré les apparences, Tama n’a rien d’un Garfield : c’est un vrai chat, qui vit une vie de chat, que reconnaîtra quiconque en a déjà eu. De même, Dai n’a rien d’un vieux fourneau : ni anar, ni vieux con, il vit son restant de vie à petits pas, une vie surtout faite de menus plaisirs, de petites choses puisque à son âge ce sont les dernières qui soient permises : un petit plat, une visite au coiffeur, l’amitié d’un animal… toutes choses qui ne remporteront pas forcément les suffrages des amateurs de robots géants et de têtes coupées mais n’en sont pas moins susceptibles de plaire à tout âge, sans qu’il soit besoin d’attendre le premier cheveu blanc.
Yann Fastier