Jean, Michel et Claire ont grandi dans le même orphelinat.
Ils étaient certains de ne jamais se quitter, ils se l’étaient promis. Mais les rêves sont faits pour être brisés. Des années plus tard, le trio a perdu sa belle et les deux amis végètent dans une ville portuaire entre pluie et brouillard, survivent de trafics minables et d’amours tristes. Et Jean découvre une photo de Claire dans un magazine de cul made in USA. C’est donc là-bas qu’elle est, en Amérique. Il faut du fric pour aller là-bas. Le braquage tourne mal, tant pis, tant mieux, impossible de reculer. Los Angeles n’attend qu’eux.
Début des 80’s, l’industrie du X est en plein essor avec la naissance de la VHS. Il y a du blé à se faire. Pas besoin de CV pour se faire recruter, suffit d’ouvrir les cuisses ou de pointer le dard, pour peu que l’on soit encore jeune et pas farouche, la célébrité est à la portée des audacieux. Les pratiques se font plus dures, ceux qui ont de l’argent ne s’embarrassent pas d’éthique ou de légalité pour mater leurs fantasmes, bien calés dans leur canapé. Tout s’achète, tout se vend, les corps, les vies, les âmes.
Entre boulots de merde et fêtes chez les fils à papa défoncés, le parcours des frenchies dans la ville des anges est chaotique, mouvant. Frédéric Jaccaud excelle à tracer le parallèle entre les deux faces d’une société schizophrène et les personnalités antagonistes de ses deux personnages. Aussi dissemblables qu’inséparables, unis dans une quête - celle de retrouver leur jeunesse, leur innocence - perdue d’avance, Jean le flamboyant, Michel le taciturne empruntent des chemins différents qui les mènent dans le même tunnel, en pente, glissant.
Frédéric Jaccaud poursuit son œuvre, exigeante et trouble. L’univers du porno lui va bien. Sa plume, vicieuse, s’insinue dans les plaies déjà béantes, prend le temps de s’arrêter sur d’infinis détails, triviaux ou éloquents. Pour nous mener, non pas sur le Walk of Fame, mais bien au fond du trou.
Marianne Peyronnet