Quoi qu’en laisse présager certaine actualité récente, il n’est pas sans doute pas encore donné à tout le monde d’avoir eu un père terroriste.
Celui de Nina Bunjevac, dessinatrice canadienne d’origine serbe, est mort en 1977, dans l’explosion de la bombe qu’il s’apprêtait à poser. Militant nationaliste serbe, farouche opposant à la Yougoslavie de Tito, Peter Bunjevac vivait pour la cause, au point de lui sacrifier sa famille. Sa femme, inquiète de la tournure des événements, finit par quitter le Canada avec leurs deux filles pour se réfugier en Yougoslavie, auprès de ses parents. L’ombre de cet homme violent et tourmenté ne cessera pas pour autant de les hanter, au-delà même de sa mort, pourtant vécue comme une libération. Mêlant grande et petite histoire, anecdotes personnelles et documents d’époques, le récit de sa fille est d’autant plus impressionnant qu’il est porté par un graphisme volontairement froid, au système de hachures et de points parfaitement maîtrisé, entre mise à distance et subjectivité assumée, dans un style documentaire que l’on pourrait rapprocher de celui d’un Joe Sacco dans ses bons jours.
Yann Fastier