Depuis déjà bon nombre d’années que l’autobiographie s’invite dans la narration séquentielle,
le récit médical finit par en constituer un secteur aussi peuplé qu’un service d’urgences un soir de Fête de la musique, au point que la Sécurité sociale, dit-on, en envisagerait le remboursement. Ainsi d’innombrables albums et « romans graphiques » ont-ils été déjà consacrés aux déboires sanitaires de leurs auteurs ou de leurs proches, depuis L’ascension du haut mal de David B, racontant la grave épilepsie de son frère et ses multiples répercussions familiales, jusqu’au récent Carnet de santé foireuse, journal dessiné de Pozla, atteint de la maladie de Crohn. A la décharge de ces louables tentatives, il faut dire qu’elles placent la barre assez haut : il ne s’agit pas de raconter son dernier rhume. Mécanisme de compensation compréhensible de la part de gens dont la vie même se trouve atteinte à la racine ou bien simple nécessité d’apporter un témoignage « vu de l’intérieur », il n’est évidemment pas question de mettre en cause la démarche de tel ou tel auteur, surtout lorsqu’elle fait montre d’une aussi belle pénétration que celle de Matthieu Blanchin dans cet album. L’homme a de l’expérience (et pas trop de chance), qui fut d’ailleurs l’un des pionniers du genre avec Accident du travail (Ego comme x, 2001). Victime, cette fois, de tumeurs au cerveau qui le plongèrent plusieurs jours durant dans un coma profond et l’amenèrent aux limites extrêmes de la vie, c’est tout le ressenti d’un véritable revenant qu’il donne à voir, à travers un contexte familial compliqué de conséquences multiples mais aussi en essayant de rendre compte de toutes les nuances du « voyage intérieur », entre enfer et paradis, que fut cette épreuve, dont nul ne sort tout à fait le même. Matthieu Blanchin, lui, en est sorti, peut-être meilleur, peut-être plus heureux de vivre, en aucun cas méconnaissable et, surtout, presque 200 pages d’intelligence à l’appui, en rien diminué.
Yann Fastier