Les Kurdes passent en général pour des gens courageux : les peshmergas ne vont-ils pas « au devant de la mort » ?

 

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Et si le vrai courage ne se limitait pas aux seules vertus guerrières ? Et si c’était avant tout s’accepter tel qu’on est, sans se cacher ?

C’est seulement quand il obtient le statut de réfugié politique en France que le réalisateur kurde iranien Diako Yazdani prend conscience de l’oppression dans laquelle sont maintenus les homosexuels dans son propre pays. Sans « en être » lui-même (sa mère insiste beaucoup pour qu’il le répète plusieurs fois au cours de son film), il prend fait et cause pour ces hommes et ces femmes, doublement dominés dans une société elle-même dominée. Ne pouvant revenir en Iran, c’est au Kurdistan irakien qu’il part enquêter, là où, sous les apparences d’une liberté durement reconquise, subsiste un système clanique où l’homosexualité n’a pas la moindre place : un « pédé », s’il ne veut pas guérir, doit mourir. C’est ce que déclarent sans ambages la plupart de ses interlocuteurs, du quidam à l’imam, avec une violence d’autant plus outrancière qu’elle trahit une trouille évidente. Dans ces conditions, on conçoit que tous les homosexuels que le réalisateur ait pu approcher au cours de son enquête se soient récusés. Tous, sauf un : Kojin, 22 ans, ne veut plus vivre caché. Sans provocation aucune, il veut pouvoir s’habiller comme il veut, aimer qui il veut et être heureux, tout simplement. La société musulmane n’a pas toujours été hostile aux homosexuels, loin de là, une littérature abondante en témoigne. Que s’est-il donc passé pour qu’elle régresse à ce point ? Et que faut-il faire pour dépasser les préjugés plus ou moins délirants dont les uns et les autres, confrontés au jeune homme, se font les piteux porte-voix ? Rien, peut-être, avoue Diako Yazdani quand même sa propre famille, avec toute la bienveillance dont elle dispose, ne parvient à assigner aux gays et aux lesbiennes qu’un horizon de souffrance et l’espoir d’une guérison. Aussi n’est-il pas étonnant de retrouver Kojin, quelques mois plus tard, dans un camp de réfugiés en Allemagne, où il croupira encore de longues années dans l’attente d’un improbable permis de vivre que s’obstine à lui refuser notre si tolérante Europe. Et l’on se dit que oui, décidément, le courage a les traits doux, des coiffures extravagantes et met parfois du rouge à lèvres.

Yann Fastier