Vous avez lu la série Blast de Larcenet et vous en voulez encore ?

 

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Jérôme est ce qui s’en rapproche le plus, en moins bien dessiné mais en mieux écrit. Forcément, c’est un roman, l’un de ces romans ultimes, de ces romans monstres comme en accouche de temps en temps la littérature. Ce malheureux Jérôme, en l’occurrence, vit initialement le jour en 1978, au Sagittaire, et fut un échec complet, à l’image de la vie de Jean-Pierre Martinet, auteur peu prolifique qui, « parti de rien, accomplit une trajectoire exemplaire et n’arriva nulle part ». Nulle part, c’est-à-dire chez sa mère, à Libourne et à 49 ans, hémiplégique et rongé par l’alcool, après quatre romans et une vie si consciencieusement ratée qu’on se demande à bon droit ce qu’il a pu faire entrer de lui-même dans la carcasse éléphantesque de son personnage. Géant obèse, faux idiot obsédé et meurtrier errant dans la nuit d’une folie grandissante, en proie aux adolescentes et à l’alcool, Jérôme Bauche, presque comme le peintre, en concentre les visions cauchemardesques dans le four d’un texte en perpétuelle recomposition, un texte infernal de grand brûlé de la vie, dans cet entre-deux du délire et d’une aveuglante lucidité où errèrent avant lui les personnages de Dostoïevski, de Gogol ou d’Andreï Biély. Eprouvante, fascinante, exaltante, la lecture de Jérôme l’est tout autant que celle de ces illustres prédécesseurs dans les noirs chemins du désespoir littéraire qu’un rire traverse parfois, pourtant, le rire terrible de ceux qui n’ont rien à perdre.

Yann Fastier