Réjouissez-vous, amis cannibales, et vous, amis libraires, songez à poser un napperon sur vos tables, car voilà du bon nanan qui tache.

 

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Publié pour la première fois sous le titre Le chaos final chez Champ libre en 1974 et après quelques avatars éditoriaux, voici enfin réédité Ces hommes dans la jungle, indisponible depuis plusieurs années, au désespoir des amis du massacre. Où, donc, l’on retrouvera Bart Fraden, aventurier sans trop de scrupules mais convenablement lesté des pires drogues de l’univers connu, débarquant sur la lointaine Sangre en compagnie d’un soudard intégral et d’une belle mal embouchée. La situation lui convient : un peuple en loques au dernier stade de l’oppression, une armée de tueurs fanatiques au service exclusif d’une oligarchie sadique et sectaire qui se nourrit exclusivement de petits garçons engraissés à cet effet (les filles étant réservées pour l’usage que l’on devine), tous les éléments semblent rassemblés pour une bonne petite guerre révolutionnaire. Fin stratège, il s’y emploie bille en tête et sans lésine, et il y parviendrait sans doute s’il n’était, au dernier moment et à sa propre surprise, vaincu par l’alliance de l’amour et du vomi. Ecrit en pleine guerre du Vietnam, Ces hommes dans la jungle avait évidemment de qui tenir et il eût été bien malvenu de lui reprocher ses outrances quand, à My Lai et ailleurs, les balles dum-dum et le napalm faisaient la preuve d’une efficacité autrement plus réelle dans la mise en charpie. En bon trublion de la SF américaine, Norman Spinrad ne pouvait certes manquer de mettre aux USA le nez dans leur caca, mais – il n’y a pas marqué Joan Baez – il le fait à sa manière, avec pas mal d’hémoglobine et un cynisme réjouissant, sous le masque ricaneur d’une science-fiction dénudée jusqu’à l’os de ses oripeaux technicistes, parfaitement gore et résolument pratique, au point de pouvoir se lire comme un véritable petit traité de la manipulation des masses, d’arme ou populaires, comme on voudra.

Yann Fastier